1508 – Michel-Ange entreprend la réalisation de la fresque de la chapelle Sixtine

À la demande du pape Jules II, Michel-Ange peint le plafond de la chapelle Sixtine entre 1508 et 1512. Deux décennies plus tard, Clément VII puis Paul III obtiennent du maître qu’il réalise une nouvelle fresque sur le mur d’autel de la chapelle entre 1533 et 1541. Ces fresques s’inscrivent dans les ambitieux travaux qui, depuis le retour des papes à Rome en 1420, ont fait du Vatican un foyer de la Renaissance artistique. La visite virtuelle offerte par le site web des musées du Vatican permet d’admirer et de mieux comprendre les fresques de Michel-Ange en les inscrivant dans les enjeux artistiques et politiques de la papauté au xvie siècle.

Le cours

1508 – Michel-Ange entreprend la réalisation de la fresque de la chapelle Sixtine

Ill. 1 : Détail du plafond de la chapelle Sixtine, peint par Michel-Ange entre 1508-1512.
Ill. 1 : Détail du plafond de la chapelle Sixtine, peint par Michel-Ange entre 1508-1512. Source : wikimedia
Sommaire

Mise au point : Renaissance et restauration du pouvoir pontifical à Rome (XVe- XVIe siècle)

La chapelle Sixtine, décorée par plusieurs générations successives d’artistes, est devenue au fil du temps une véritable allégorie de la Renaissance pontificale. En effet, après le déplacement de la papauté à Avignon (1309-1378) et le Grand schisme d’Occident (1378-1417), un temps de division de la papauté, le xve et le début du xvie siècle sont marqués par un retour des papes à Rome et par une restauration progressive de leur pouvoir. 

Cette restauration est menée dans le contexte de la Renaissance, une période caractérisée par la redécouverte de l’Antiquité, aussi bien dans les lettres que dans les arts. Les souverains pontifes, sensibles à ce programme culturel, lancent de vastes chantiers de reconstruction de la ville de Rome. Dans un premier temps, leurs efforts se concentrent sur le Vatican, quartier où se trouve l’une des résidences pontificales et où ils élisent définitivement domicile dans la seconde moitié du xve siècle. C’est dans ce contexte que Sixte IV (1471-1484) fait reconstruire, entre août 1479 et octobre 1481, la cappella magna, c’est-à-dire la grande chapelle du palais, qui prend alors le nom de « chapelle Sixtine ».

Le Vatican devient la vitrine du pouvoir pontifical dans les décennies qui suivent. Innocent VIII (1484-1492) y fait édifier la villa d’agrément du Belvédère entre 1485 et 1487. Alexandre VI (1492-1503) emménage dans de nouveaux appartements, au deuxième étage du palais apostolique, qu’il fait décorer par le peintre Pinturicchio (v. 1454-1513). Ce mouvement atteint son apogée pendant le règne de Jules II (1503-1513) qui dirige les travaux au Vatican : chantiers architecturaux au palais apostolique, décoration à fresques des Stanze (chambres du troisième étage du palais apostolique) par le peintre Raphaël (1483-1520), exposition de plusieurs œuvres antiques dont le Laocoon (célèbre groupe statuaire représentant un épisode de la mythologie grecque), formant ainsi le premier noyau des collections des musées du Vatican, reconstruction de la basilique Saint-Pierre confiée en 1506 à l’architecte Bramante (1444-1514). Entre 1508 et 1513, les plus grands artistes du temps sont réunis au Vatican pour travailler à la gloire de la papauté, dont Michel-Ange (1475 - 1564) recruté par Jules II pour peindre les fresques de la voûte de la chapelle Sixtine.

Ces travaux ont un coût élevé. Les souverains pontifes s’appliquent donc à tirer un maximum de revenus de l’Église en introduisant la vénalité (vente) des offices (fonctions) au sein de l’administration curiale et en monnayant toujours davantage les bénéfices (charges ecclésiastiques accompagnées de revenus) de la chrétienté (canonicats, monastères, diocèses, etc.). Pour financer le chantier de Saint-Pierre, Jules II a également recours à deux reprises à des campagnes d’indulgences : le pape propose aux fidèles d’obtenir la rémission de leur peine au purgatoire contre monnaie sonnante et trébuchante, une pratique reprise par son successeur, Léon X (1513-1521). 

Des critiques virulentes s’élèvent contre ces procédés. À Florence, le prédicateur dominicain Savonarole (1452-1498) compare l’Église à une prostituée. En 1513, le philosophe Érasme (1466-1536) écrit un dialogue (Jules, privé de paradis !) imaginant saint Pierre refusant l’entrée du paradis à Jules II. Ces critiques culminent en 1517 dans les 95 thèses de Martin Luther. Écrit à la suite d’une campagne d’indulgences tenue à Wittenberg, ce texte est fondateur du mouvement protestant. 

Document : visite virtuelle de la chapelle Sixtine (musées du Vatican)

Image extraite du site des musées du Vatican. Pour accéder à la visite virtuelle, cliquez ici

Éclairage : de la création d’Adam au Jugement dernier

En confiant à Michel-Ange la décoration du plafond de la chapelle Sixtine, le pape Jules II fait un pari audacieux : quoique célèbre pour ses sculptures, le jeune artiste de 33ans n’a alors jamais réalisé de fresques. Son activité de peintre se résume à un tondo (une peinture sur un support de forme ronde) représentant la Sainte Famille, réalisé entre 1503 et 1505. Mais au mois de mars 1508, Jules II décide lui de faire confiance.

L’artiste florentin travaille seul sur la voûte de 1508 à 1512. Les neuf scènes centrales sont dédiées à des épisodes de la Genèse. La plus célèbre, la fresque de la Création d’Adam (Ill.2), illustre le verset de la Genèse « Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance ». 

Ill. 2. La création d’Adam. Fresque de la chapelle Sixtine achevée par Michel Ange en 1511. Source

Michel-Ange démontre sa virtuosité dans le traitement de l’anatomie des corps à travers la réalisation d’Adam, soulignée par les quatre ignudi (nus masculins) qui encadrent la scène dans des poses variées. Cette maestria repose à la fois sur la formation de sculpteur de Michel-Ange et sur son expérience acquise au cours de dissections. Le peintre florentin témoigne de son inventivité dans le traitement de cet épisode. En effet, le geste de Dieu descendu des nuées pour créer l’homme du doigt sans le toucher est inédit et devient une icône dans l’histoire de la peinture occidentale. 

Le pape Clément VII (1523-1534) lance le dernier grand projet pictural de la chapelle Sixtine. Il parvient en 1533 à convaincre Michel-Ange d’y travailler à nouveau en lui confiant le projet de réaliser une chute des anges rebelles sur le mur d’entrée et un jugement dernier sur le mur d’autel. Clément VII meurt un an plus tard, mais le projet est repris par son successeur Paul III (1534-1549). Seule la fresque du Jugement dernier est finalement achevée en 1541 par le maître florentin (Ill. 3). 

Ill. 3 : Le Jugement dernier peint par Michel-Ange sur mur ouest de la chapelle Sixtine, entre 1533 et 1541.

Le Jugement dernier de Michel-Ange représente en son centre le Christ, dans un halo lumineux, entouré de plus de trois cents personnages qui se déploient sur un fond bleu outre-mer figurant les cieux. À sa droite, les élus dont les corps sont ressuscités sont élevés au paradis par des anges, où ils prennent leurs formes glorieuses, tandis qu’à sa gauche les damnés sont voués à la géhenne (l’enfer) par les démons. Un espace intermédiaire donne à voir le purgatoire.

La nudité des corps suscite assez vite la controverse et devient intolérable dans le cadre de la réforme catholique (la réforme de l’Église impulsée par le concile de Trente entre 1545 et 1563). Après la mort de Michel-Ange, en 1564, le pape Paul IV (1555-1559) confie le soin à Daniele da Volterra de couvrir les parties génitales visibles d’un voile, œuvre pour laquelle il reçoit le surnom d’« Il Braghettone » (le « faiseur de culottes »). 

Entre-temps, cette chapelle est devenue un espace politique qui joue un rôle important dans l’organisation des conclaves et dans lequel chaque pontife de la Renaissance tente de laisser son empreinte.

Citer cet article

Pierre-Bénigne Dufouleur , « 1508 – Michel-Ange entreprend la réalisation de la fresque de la chapelle Sixtine », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 14/03/25 , consulté le 22/04/2025. Permalien : https://ehne.fr/fr/node/22540

Cette notice est publiée sous licence CC-BY 4.0. La licence CC-BY signifie que les publications sont réutilisables à condition d’en citer l’auteur.

Bibliographie

Venard Marc (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours. Volume 7 : De la Réforme à la Réformation, Paris, Desclée, 1994.

Ettlinger Leopold D., The Sistine Chapel before Michelangelo. Religious Imagery and Papal Primacy, Oxford, Clarendon Press, 1965.

Pfeiffer Heinrich W., La Chapelle Sixtine révélée. L’iconographie complète : Botticelli, Le Pérugin, Rosselli, Piero di Cosimo, Signorelli, Ghirlandaio, Michel-Ange, Paris/Vatican, Hazan/Musei Vaticani, 2007.

Pöpper Thomas, Thoenes Christof et Zöllner Frank, Michel-Ange 1475-1564. L’œuvre complet, Honk Kong, Taschen, 2007.

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