Des films comme marqueurs d’une histoire culturelle de la mémoire du génocide
S’interroger sur la présence du génocide des Juifs au cinéma revient, souvent, à se demander quelles productions ont marqué l’imaginaire collectif. Répondre à cette question conduit à identifier tout à la fois une chronologie et un corpus de films. Il est communément accepté que ce dernier s’ouvre avec une série télévisée américaine, Holocauste (Marvin Chomsky, 1978), qu’il se poursuit avec un documentaire, Shoah (Claude Lanzmann, 1985), et qu’il se conclut avec une production hollywoodienne, La liste de Schindler (Steven Spielberg, 1993). La série de 1978 est reconnue pour avoir retenu l’attention des spectateurs américains, qui ont été des millions à la regarder. Le documentaire français est, lui, valorisé, car il donne directement la parole à des acteurs de l’histoire – Juifs persécutés, Allemands persécuteurs et témoins polonais – qui s’expriment à propos de la mise à mort des Juifs dans les camps d’extermination entre décembre 1941 et janvier 1945. La fiction de Spielberg est, quant à elle, réputée pour avoir su retenir l’attention d’un grand nombre de spectateurs à travers le monde. L’élection de ces trois films dans une sorte de Panthéon cinématographique ne va toutefois pas de soi. Les films de 1978 et 1993 sont régulièrement critiqués pour avoir transformé le génocide en spectacle – nous y reviendrons –, au contraire, le documentaire de 1985 est considéré comme étant trop long (il dure 9 h 30) et trop difficile d’accès pour le grand public.
Que ce soit pour les critiquer positivement ou négativement, ces trois films sont très régulièrement cités, car ils constituent des marqueurs d’une histoire culturelle de la mémoire du génocide. Au même titre que des procès, des romans, des bandes dessinées, ils ont parfois devancé, d’autres fois accompagné la prise de conscience de la spécificité du génocide des Juifs. Il faut alors être attentif aux enjeux nationaux et ne pas présupposer une histoire mondialisée. En effet, en 1978, c’est aux États-Unis qu’Holocauste fait événement (il est ensuite seulement diffusé à travers le monde), tout comme c’est principalement en France en 1987 – lors de son premier passage à la télévision –, que Shoah participe d’une prise de conscience nationale. Il faut ajouter que les films marquants ne sont pas les mêmes en Israël, en Pologne, en Allemagne ou encore en Italie. La chronologie esquissée par la mise en série de ces trois productions constitue donc une proposition éminemment problématique.
S’arrêter sur ces seuls films est également délicat, car cela revient à manquer la diversité et le très grand nombre de productions qui ont été réalisées au sujet du génocide. Il est, à ce titre, important de souligner l’existence de nombreux documentaires et fictions datant de 1945 à 1950. Il est notamment possible de penser à La dernière étape (Wanda Jakubowska, 1947). D’autres productions marquantes peuvent être identifiées avant 1978 telles que Ordres secrets aux espions nazis (Samuel Fuller, 1959), Jugement à Nuremberg (Stanley Kramer, 1961), ou encore The 81st Blow (Haim Gouri, 1974). De même, des films importants ont été tournés après 1993 tels que La vie est belle (Roberto Benigni, 1997), Le pianiste (Roman Polanski, 2002) et Le fils de Saul (László Nemes, 2015). Le génocide est même devenu l’objet d’un genre cinématographique à part entière (Lawrence Baron parle de 220 films pour les seules années 1990 et 190 pour la décennie suivante).
La querelle des images, entre interdit et choix de médiation
Une autre manière de poser la question de la présence du génocide des Juifs à l’écran consiste moins à dresser une liste de films à étudier, qu’à porter une attention particulière à des enjeux de représentation. Quelle que soit la production analysée, la monstration de la mise à mort systématique des Juifs entre 1941 et 1945 constitue un sujet délicat qui a, parfois, été l’objet de vives polémiques dans l’espace public, notamment en France. Une véritable querelle des images a ainsi eu lieu entre mars 1994 et 2003. Celle-ci s’est ouverte par une tribune écrite par le réalisateur de Shoah dans le journal Le Monde et elle s’est clôt par la publication de l’ouvrage, Images malgré tout, de l’historien de l’art Georges Didi-Huberman. Au départ, Lanzmann écrit ceci : « Si j’avais trouvé un film existant – un film secret parce que c’était strictement interdit – tourné par un SS et montrant comment 3 000 Juifs, hommes, femmes, enfants, mouraient ensemble, asphyxiés dans une chambre à gaz du crématoire 2 d’Auschwitz, si j’avais trouvé cela, non seulement je ne l’aurais pas montré, mais je l’aurais détruit. Je ne suis pas capable de dire pourquoi. Ça va de soi. » Cette position que le réalisateur avait exprimée dès la fin des années 1970 – alors qu’il tournait Shoah – revient à poser l’existence d’un interdit de la représentation qui concerne spécifiquement ce génocide. Il écrivait alors : « L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui, en un cercle de flamme, la limite à ne pas franchir parce qu’un certain absolu d’horreur est intransmissible : prétendre pourtant le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave » [Lanzmann, 1970]. Cette position iconoclaste porte sur un type de représentations bien précises, soit des images animées tournées pendant la mise à mort des Juifs dans les chambres à gaz. Il s’agit donc d’un refus de la mimesis directe, soit de la capacité du cinéma (ici de caméras de cinéma) à enregistrer ce qui se passe à l’intérieur d’une chambre à gaz. Cela revient à considérer que cet événement est obscène, au sens où il se situe (et/ou doit se situer) en dehors de ce qu’il est possible de représenter au cinéma. Il s’agit pour Lanzmann d’un impératif moral qui s’impose avec la force de l’évidence – il écrit dans sa tribune, « ça va de soi ».
Toutefois, comme ce propos est tenu à l’occasion de la sortie en salle du film de Spielberg, la critique prend une plus grande ampleur. Au-delà de la seule mimesis directe, il semble ainsi que c’est toute forme de reconstitution dans un film de fiction qui soit contestée. La mimesis indirecte, via la mise en scène d’une fiction portant sur le génocide, apparaît alors comme étant suspecte d’une tendance à spectaculariser ce qui doit, selon le réalisateur du film de 1985, rester du domaine de l’obscène. Le principe sous-jacent à ces déclarations est que la parole des témoins, tels que ceux qui s’expriment dans Shoah, constitue la manière la plus adaptée pour aborder la mise à mort des Juifs au cinéma. Il s’agit bien d’une querelle des images, car c’est la parole des acteurs de l’histoire qui semble être l’alternative la plus pertinente à toute forme de monstration par le visuel (mimesis directe ou non). Ce type de prise de position n’est pas le seul fait de ce réalisateur et elles ne sont pas tenues à cette seule occasion. Ainsi, quatre plus tard, lors de la sortie en salle de La vie est belle (1997), Benigni est vivement critiqué pour avoir osé réaliser une fable à propos du génocide.
Les chercheurs en sciences humaines et sociales ont essayé de cadrer ce débat. Ils ont d’abord rappelé que, malgré de nombreuses recherches, les images dont Lanzmann parle n’existent pas (elles ont peut-être existé mais, dans tous les cas, aucune séquence filmée n’existe aujourd’hui). Ils rappellent, par ailleurs, que des exécutions massives par balles ont été filmées, notamment à Liepāja en Lituanie en 1941. Il existe donc bien des images animées qui relèvent de la mimesis directe. Ces images ont été montées dans de nombreuses fictions, dont Holocauste, et documentaires dont le très complet Einsatzgruppen, les commandos de la mort (Michael Prazan, 2009). Didi-Huberman ajoute que des photographies ont été prises depuis les crématoires d’Auschwitz-Birkenau. Il s’agit ainsi pour le chercheur de souligner que des images fixes ont été prises sur les lieux du génocide, transmises et conservées. L’historienne Sarah Farmer écrit quelques années plus tard dans The American Historical Review que « l’Holocauste a été représenté visuellement par des victimes, persécuteurs et témoins pendant son déroulement, l’Holocauste n’a jamais été non représenté » [Farmer, 2010]. Didi-Huberman insiste davantage, quant à lui, sur la valeur testimoniale de ces images, qui ont été transmises, malgré tous les efforts des génocidaires pour les détruire. Il explique, « les nazis ont sans doute cru rendre les juifs invisibles, et rendre invisible leur destruction même. Ils se sont donné tant de mal pour cela que beaucoup parmi leurs victimes, l’ont pensé aussi, et que beaucoup, aujourd’hui, le pensent encore ». Ces arguments reviennent à mettre en perspective l’interdit moral posé par Lanzmann. Cela clôt le temps des polémiques.
Depuis, ces questionnements portant sur la représentation du génocide des Juifs au cinéma se sont poursuivis, mais ils ont pris d’autres voies. Il s’agit davantage de réfléchir à des dispositifs filmiques qui relèvent de la fiction et/ou du documentaire qui permettent de prendre en charge des situations se situant aux limites de la représentation, telles que les chambres à gaz des camps d’extermination, mais aussi la mort des Juifs dans les ghettos, la déportation, les tueries par balles, etc. Cela revient à dire que, s’il n’y a pas d’interdit, il est en revanche pertinent de continuer à s’interroger sur ce que signifie donner à voir ce génocide au cinéma. La spectacularisation dont l’histoire est l’objet peut ainsi être critiquée vigoureusement, sans pour autant renoncer à la possibilité de créer des dispositifs filmiques.
Le rôle des dispositifs dans la fabrique des films
Cette dernière expression – dispositif filmique – requiert plus d’attention, car elle constitue une troisième piste de recherche afin d’appréhender la présence du génocide au cinéma. En effet, au-delà des films qui ont marqué l’histoire de la mémoire collective et de la querelle des images, il est possible d’étudier la manière dont ces images ont été concrètement fabriquées. Cela revient à porter une attention particulière à leur genèse. Ce type de questionnement peut notamment être posé à propos des images prises pendant le génocide. Ainsi, les historiens de la photographie Clément Chéroux et Ilsen About expliquent, à propos des photographies du génocide, qu’il faut s’intéresser au photographe, à l’appareillage technique utilisé, au sujet représenté et, de manière générale, au contexte historique. Il en va de même pour les images en mouvement. Leur étude ne serait alors se limiter à l’observation du contenu audiovisuel. Il est utile de se demander qui est l’opérateur qui a pris ces images, de savoir si c’est un amateur ou un professionnel ainsi que de déterminer si ces images servaient un objectif de propagande ou, au contraire, de résistance. Il s’agit également de déterminer le support sur lequel ces images ont été prises, d’identifier si elles étaient sonorisées ou non. Il est, alors, toujours nécessaire d’essayer de remonter au plus proche de la pellicule qui a été insérée dans la caméra lors de la captation. Le principe consiste à savoir ce qui a été enregistré (et non de se satisfaire d’une version numérisée, dont il est parfois difficile de savoir si elle a été restaurée, recadrée, sonorisée, coupée, remontée, etc.). Une connaissance fine des événements représentés est aussi nécessaire afin de pouvoir identifier ce qui est visible à l’image. Cela nécessite, bien souvent, un véritable travail de recherche documentaire et de mobiliser une multiplicité d’expertises complémentaires. Enfin, seules des connaissances plus larges portant sur l’histoire du génocide et l’histoire de ses représentations permettent d’interpréter la séquence filmée. C’est seulement après avoir travaillé sur ces quatre aspects (opérateur, appareillage, sujet, contexte) que l’image acquiert une valeur documentaire et testimoniale.
La notion de dispositif filmique n’est pas uniquement utile à l’étude des images prises pendant le temps des faits, elle sert aussi à appréhender des séquences tournées après 1945. Ainsi, les récits de vie de survivants filmés dans le cadre de campagnes de collecte de témoignages par des institutions telle que l’USC Shoah Foundation s’inscrivent dans un format audiovisuel qu’il est utile de connaître pour pouvoir les interpréter. Il est entendu que l’interviewer intervient peu et qu’il n’apparaîtra pas à l’image. Il est, avant tout, celui qui écoute l’acteur de l’histoire revenir sur ce qu’il a vécu. La caméra vidéo est quant à elle le plus souvent fixe et frontale. Le témoin est, lui, filmé en plan poitrine ou en gros plan, les mouvements de caméra (zoom ou panoramique, par exemple) étant quasiment inexistants. Ainsi, ses mains ne sont pas visibles, ni d’ailleurs toute partie de son corps qui se situe en dessous de son buste. Ce qui est placé au centre du dispositif, c’est son visage, ce qui a conduit à désigner ce format par l’expression « têtes parlantes ». De plus, les entretiens sont régulièrement filmés en studio, pour que l’arrière-plan ne détourne pas l’attention et, bien souvent, il s’agit d’une simple plante verte ou d’une tapisserie de couleur unie. Ce format a été repris par ces réalisateurs de films documentaires et de reportages télévisés. Il a également été contesté par d’autres qui ont cherché à s’en éloigner. Dans les documentaires dits de création, le plus souvent, ce n’est pas seulement la parole et le visage des témoins qui sont représentés, mais aussi leurs gestes et leurs corps. Les dispositifs filmiques mis en place sont, alors, parfois, l’objet de négociations entre l’équipe du film et le témoin. En fonction des enjeux du film, mais aussi de la volonté de l’acteur de l’histoire, il s’agit de déterminer quelle sera la meilleure mise en scène pour transmettre l’expérience génocidaire. Il arrive que le dispositif soit, au final, très proche de ceux mis en place pour un tournage qui relève de l’histoire orale filmée. Ainsi, Lanzmann pendant les tournages des entretiens pour Shoah choisissait, régulièrement, de montrer ses protagonistes en train de manipuler des documents (lettres, photographies, publications, etc.) datant de la période du génocide. Par exemple, en 1979, les activistes Peter Bergson et Samuel Merlin montrent les publicités qu’ils ont fait paraître en 1943-1944 dans la presse américaine pour informer le grand public de la destruction des Juifs en Europe. Bergson se lève et présente lui-même ces publicités qui sont affichées sur de grands panneaux dressés dans la pièce où se déroule le tournage. Ce dispositif s’éloigne du format de l’histoire orale filmée, car le plan est plus large afin que les documents soient visibles à l’image et des mouvements de caméra sont effectués afin que les positions et postures du corps soient prises en compte. De plus, le réalisateur apparaît régulièrement à l’écran et il n’hésite pas à interrompre l’entretien si celui-ci s’engage dans une direction qui ne correspond pas à ce qui l’intéresse pour son projet. Enfin, il faut noter que des dispositifs documentaires s’éloignent bien plus des canons de l’histoire orale. Ainsi, il arrive que le corps et les gestes du témoin deviennent plus importants que ce qui est dit. Ces dispositifs sont régulièrement désignés par le terme de reconstitution. En effet, certains témoins sont conduits à refaire des gestes liés à ce qu’ils ont vécu pendant le génocide. Ils sont également, parfois, conduits à revenir sur les lieux du génocide. Il se peut alors que leur témoignage passe par la mise en scène d’une forme de mémoire incorporée. Par exemple, pour Shoah, Simon Srebnik, qui est l’un des très rares survivants juifs du camp d’extermination de Chelmno, a accepté de revenir à l’endroit où se trouvent les fosses dans lesquelles les Juifs étaient enterrés.
À ces dispositifs filmiques relevant du documentaire, il est important d’ajouter ceux qui relèvent de la fiction. Certaines questions sont comparables. En effet, pour comprendre les images qui nous sont données à voir, encore faut-il comprendre comment elles ont été élaborées. Il s’agit ainsi de se demander : quelles sont les motivations de l’équipe du film ? Quel matériel a été utilisé pour filmer chaque séquence ? Quel est précisément le sujet qui est représenté ? Comment ce sujet précis s’articule-t-il avec l’histoire de manière plus générale ? Ces questions peuvent être abordées en se penchant sur les versions du scénario, sur les différents plans tournés pour une même scène, sur le travail effectué lors du montage. Toutefois, il est important de souligner qu’il existe aussi des différences entre les plans tournés pendant le temps des faits et les productions postérieures à 1945. Dans ce second cas, l’objectif n’est pas de déterminer une valeur documentaire ou testimoniale des images, mais de comprendre les conditions de leur fabrication à titre de représentation. L’enjeu de telles enquêtes peut être, dans une perspective tout à la fois cinéphile et historienne, d’identifier des formes cinématographiques du passé qui sont singulières. Il s’agit alors de se demander : quelles mises en scène adaptées au génocide ont été créées par l’équipe du film ? Au-delà de l’identification de formes dans le film, ce type de réflexion porte également sur le choix et le traitement du sujet abordé, des personnages mis en l’avant (ou non), de la coupe temporelle. Les études portant sur des productions postérieures à 1945 se penchent aussi sur des corpus de productions qui ne proposent pas de mise en forme originale du passé. Il s’agit alors, plutôt que d’adopter une approche cinéphile, de considérer les films en historien du culturel. Cela conduit à faire ressortir leur inscription dans le temps présent de leur réalisation et de leur circulation dans l’espace public. Le passé étudié correspond alors moins à la période du génocide (1941-1945), qu’au temps de la mémoire sociale ainsi que des usages culturels et politiques des films (1945- ).
Enfin, que ce soit pour être monté dans des reportages, des documentaires ou des fictions, la question des usages créatifs et des mésusages des images d’archives se pose également avec beaucoup d’acuité. Il s’agit de se demander s’il est pertinent de sonoriser, coloriser, recadrer, ralentir, bruité, des images tournées (ou photographiées) pendant le temps du génocide. Certains réalisateurs, tel qu’Harun Farocki dans En Sursis (2007), ont opté pour une très grande ascèse. Ce dernier a inventé, à cette occasion, des manières de montrer un ensemble de séquences tournées dans le camp de transit de Westerbork aux Pays-Bas en respectant au maximum le rythme des plans et le point de vue de l’opérateur. Il s’est refusé à toute forme de sonorisation, de recadrage, de bruitage ou encore de colorisation. D’autres, tel que le réalisateur de films expérimentaux, Peter Forgacs dans Meanwhile somewhere (1996), a ralenti certains passages de la même archive, n’a pas hésité à zoomer dans l’image pour s’approcher de l’action et a aussi teinté la séquence et colorisé certains éléments visuels. Toutefois, chacun de ces gestes créateurs était pensé pour donner à voir et à comprendre le caractère construit de l’archive qui est donnée à voir dans son film. Il n’y a donc pas une seule option qui s’impose, mais davantage un questionnement sans cesse renouvelé à mener sur ces images et leur capacité à représenter le génocide.
Conclusion
Revenons, pour conclure, sur les trois pistes abordées dans le cadre de cette analyse. Il semble que, le plus souvent, la question de la représentation du génocide des Juifs au cinéma revient à se demander quels films ont marqué l’histoire de la mémoire. Cela conduit régulièrement à revenir sur deux ou trois productions clés. Une autre manière d’aborder le sujet revient à s’interroger sur la manière dont le génocide met en crise la représentation cinématographique. Cela passe par le fait de se poser la question des interdits et/ou des limites de la représentation que ce soit dans le cadre d’une fiction ou d’un documentaire. Toutefois, ce type réflexion est à articuler avec une conscience aigüe du fait que des images du génocide existent, et ce malgré la volonté des nazis de supprimer leurs traces. Enfin, il m’a semblé important d’insister sur le fait que quelque soit la production étudiée, il est aussi pertinent de s’interroger sur la fabrique du film lui-même. Cela revient notamment à s’intéresser à la notion de dispositif filmique qui est tout aussi valable pour étudier des séquences filmées pendant le génocide, que des entretiens tournés après 1945, des reconstitutions documentaires ou dans des fictions et, enfin, des films de réemploi d’archives. Il reste à souligner que la présence de ces dispositifs filmiques au cinéma est liée au travail des monteurs. En effet, les entretiens, les séquences tournées pendant les faits, les reconstitutions documentaires ou fictionnalisées sont quasiment toujours montés. Une pleine compréhension de la représentation du génocide des Juifs au cinéma passe donc par une prise en compte de cette étape du processus de réalisation qui est, bien souvent, décisive.