La nationalité naît avec l’État-nation qui se définit par une organisation politique territoriale mais aussi par une association d’individus. Elle est un lien juridique entre un individu et un État ; ce dernier détermine les moyens qui permettent sa transmission et son acquisition, soit en général, par le lieu de naissance (appelé jus soli – droit du sol), soit par la filiation (appelé jus sanguinis – droit du sang), la résidence et le statut matrimonial. Sous certaines conditions, un individu peut acquérir la nationalité d’un État s’il la demande et si sa requête est acceptée. Le fait de posséder la nationalité de l’État où l’on réside a des effets importants : il implique des obligations et ouvre des droits, en général des droits politiques, et tout ce qui entre dans le domaine du droit du travail ou du droit privé (divorce, testament, propriété foncière, etc.).
Tous les nationaux n’ont pas toujours été égaux face aux droits et aux obligations : les droits politiques, comme le droit de vote ou celui d’être éligible, ont longtemps été limités pour les femmes, les ressortissants des colonies, et pour les « naturalisés ». Dans le cas français, la loi de 1927 rend les « naturalisés » inéligibles aux assemblées législatives, politiques, professionnelles ou corporatives pendant 10 ans. De même, les obligations militaires n’ont longtemps concerné que les hommes. En France, le fait que des hommes nés sur le territoire national puissent rester étrangers et donc être dispensés du service militaire suscite des protestations dès le début du xixe siècle et entraîne des modifications législatives : la loi de 1851 rend français tout individu né en France d’un étranger qui y est né et, selon la loi de 1889, l’enfant né en France de parents nés à l’étranger devient automatiquement français à sa majorité. Élément fondamental du mouvement de codification du droit civil au xixe siècle, le Code napoléonien de 1804 se diffuse dans de nombreux pays européens et même au-delà. Il institutionnalise l’incapacité juridique de la femme mariée, la puissance paternelle et maritale, ainsi que le principe selon lequel le mari et père, considéré comme le chef de la famille, détermine la nationalité du groupe familial ; l’épouse prend automatiquement la nationalité du mari, et perd ainsi la sienne (système dit « unitaire »). Cependant, le mariage peut entraîner la double nationalité lorsque, selon la législation, l’épouse garde sa nationalité et prend celle du mari. Source de conflits de lois et d’allégeance, la pratique est décriée par les États. Le mariage peut également conduire à l’apatridie des épouses, lorsque par mariage elles perdent leur nationalité sans acquérir celle de leur conjoint. Aussi, le changement de nationalité de l’époux au cours du mariage ou la dissolution du mariage sont susceptibles de provoquer le changement de la nationalité de l’épouse sans son consentement.
Depuis la fin du xixe siècle, dans le cadre des conférences internationales de La Haye, puis de la Société des Nations (SDN), des juristes s’efforcent de régler uniformément les conflits de lois en matière de nationalité. Des groupes féministes tels le Conseil international des femmes, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté ou l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes veulent mettre fin au système « unitaire » au profit du système dit « dualiste » (le mariage n’a aucun effet sur la nationalité). Malgré cette mobilisation importante, la convention de La Haye de 1930 sur les conflits de loi en matière de nationalité maintient les discriminations. Sous la pression d’organisations internationales de femmes, un comité consultatif est mis en place au sein de la SDN en 1931 afin de faire, par la coopération entre les États, de l’égalité des sexes en matière de nationalité un principe. Toutefois, c’est seulement en 1957 qu’une convention sur la nationalité des femmes mariées est adoptée par l’ONU (Organisation des Nations unies) et affirme le principe selon lequel les hommes et les femmes sont égaux en droit en ce qui concerne l’acquisition, le changement ou la conservation de leur nationalité.
Dans l’entre-deux-guerres, des réformes législatives nationales œuvrent à favoriser l’« indépendance de la femme mariée » en matière de nationalité : en Russie (1918), en Belgique et en Estonie (1922), en Suède, en Norvège et en Roumanie (1924), au Danemark (1925), en Islande (1926), en Finlande (1927), en Turquie et en Yougoslavie (1928), et en Albanie (1929). En France, au lendemain de la Première Guerre mondiale, des populationnistes inquiets de la faiblesse démographique française se rallient à la proposition des féministes : la loi du 10 août 1927 permet aux Françaises qui épousent des étrangers de garder leur nationalité et de la transmettre à leur(s) enfant(s). Cependant, des conditions sont souvent exigées pour qu’une nationale garde sa nationalité française (par exemple, le lieu de résidence) et certaines étrangères, comme les Allemandes, les Anglaises ou les Luxembourgeoises, en vertu de leur loi nationale, ne peuvent pas conserver leur nationalité. Au Royaume-Uni, ce n’est qu’en 1981 que, au même titre que les pères, les mères britanniques peuvent transmettre leur nationalité à leur(s) enfant(s) (British Nationality Act).
Dans la pratique, le genre du postulant influe sur l’octroi de la demande de nationalité. C’est parce qu’elle voit en eux de futurs soldats que la France des années 1930 naturalise de nombreux jeunes hommes afin de pouvoir les incorporer dans l’armée. La naturalisation de femmes mariées, mères de potentiels soldats, est quant à elle jugée comme un « apport intéressant », contrairement aux célibataires ou veuves considérées comme « sans intérêt au point de vue national » par les fonctionnaires qui traitent les dossiers.
En 1979, la convention de l’ONU sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes confirme la convention de 1957 et va plus loin en ajoutant l’égalité des parents dans la possibilité de transmettre leur nationalité aux enfants. Certains pays, dont la France et la Grande-Bretagne, émettent cependant des réserves et déclarations. En 1997, la Convention européenne sur la nationalité s’attache à prévenir l’apatridie et les discriminations de sexe tout en préservant la vie familiale. Elle tente de tenir compte autant des « intérêts légitimes des États que [de] ceux des individus » et révèle ainsi les évolutions de la nationalité en Europe. Le lien exclusif entre un État et ses citoyens est remis en cause comme en témoignent l’instauration d’une citoyenneté européenne par le traité de Maastricht en 1992 et la plus grande acceptation de la double nationalité (en 2014, l’Allemagne s’y rallie). Par ailleurs, dans les années 2010, l’Autriche, le Danemark ou encore la principauté de Monaco suppriment les discriminations de sexe en matière de transmission de la nationalité par filiation. Les ex-colonies des États européens ont hérité des discriminations de sexe dans leur droit de la nationalité. Si certaines législations ont changé récemment (Maroc, Égypte, Sénégal, Côte d’Ivoire par exemple), d’autres restent à modifier, comme au Liban.