L’histoire des femmes et du genre a profondément renouvelé les approches androcentrées des religions, encore écrites la plupart du temps à l’échelle nationale. Il s’est agi pour certains travaux de saisir l’importance des femmes, restées souvent invisibles, au sein des sphères religieuses et, pour d’autres, de montrer le poids des contraintes normatives des religions concernant le genre. Les univers religieux participent pleinement de l’organisation sociale, culturelle, politique et symbolique de la différentiation et de la hiérarchisation des sexes par l’attribution à chaque sexe d’identité, de qualités et de rôles prédéfinis à travers une régulation stricte de leurs relations privées et sociales. Étroitement liées aux contextes politiques et religieux contrastés, trois grandes périodes se distinguent concernant principalement l’Europe de l’Ouest : le xixe où se réarment les visées normatives confessionnelles face aux idées libérales issues de la Révolution française et où s’affirme l’engagement religieux des femmes ; le xxe siècle où la confrontation avec la modernité plus égalitaire et individualiste va en s’accentuant et où les « révolutions sexuelles » dès les années 1960 marquent un tournant ; les années 1990 et les premières années du xxie où s’approfondissent des dynamiques d’émancipation de genre et des sexualités portées également par des féminismes religieux alors que se développent de nouveaux courants religieux néoconservateurs et identitaires qui font d’une lutte « anti-genre » un des pivots de leur engagement politique.
Le poids des normes de genre et les engagements religieux des femmes XIXe-début XXe siècle
L’histoire religieuse de l’Europe au xixe siècle est profondément marquée par l’émergence des États-nations liés au christianisme (catholique romain et d’Orient et protestants, en particulier anglican, luthérien et calviniste) et engagés dans les projets missionnaires et coloniaux. La reconnaissance du pluralisme religieux y est souvent tardive et la concurrence confessionnelle, voire l’hostilité, forte. Seront abordées ici principalement les caractéristiques chrétiennes. Que ce soit dans une perspective religieuse de résistance minoritaire ou d’affirmation hégémonique, les femmes sont investies d’une mission de préservation et de transmission des traditions religieuses en tant qu’épouses et mères alors que les autorités religieuses restent exclusivement masculines. Les religions prescrivent des interdits, des tabous et des règles de vie via l’éducation, les conseils de lectures édifiantes, la morale quotidienne, les normes familiales, maritales et sexuelles, les obligations de soin et d’entraide. Le poids des représentations symboliques du féminin et du masculin est déterminant tant au plan collectif qu’individuel. Autour de la figure féminine se joue la préservation d’identité à la fois nationale et religieuse, non sans projeter des stéréotypes négatifs sur les minorités juives européennes mais aussi, dans le cadre colonial, musulmanes, hindoues, animistes. Les codes de féminité et de masculinité entrent en convergence, en concurrence ou en rupture, avec l’importance croissante des normes séculières. Ainsi la spiritualité masculine apparaît contradictoire avec la virilité guerrière, tandis que la soumission féminine vantée par les religions est appréciée de tous comme une qualité intrinsèque.
Dans l’historiographie, la thèse stimulante d’une féminisation de la religion au xixe siècle, qui s’appuie sur l’étude de l’engagement féminin catholique dans les congrégations et les œuvres charitables, a été nuancée. On souligne désormais l’importance persistante de la masculinité et du pouvoir masculin et des émotions religieuses au masculin. Sont aussi mises en avant les capacités d’agir des femmes hors des vocations congréganistes comme dans les combats politiques catholiques contre la sécularisation. L’intérêt pour le vécu religieux au plan individuel et la multiplicité des formes de ressentis permettent de complexifier l’analyse du religieux, au-delà de son pouvoir institutionnel et normatif et d’interroger aussi les stratégies de genre qui, en dépit des prescriptions normatives, peuvent donner lieu à des formes d’autonomisation.
La différenciation des sexes s’accentue dans les mondes religieux européens au cours du xixe siècle. Ces spécificités différentialistes se modulent selon les appartenances sociales, culturelles, nationales ou locales. En interaction avec les principaux courants de pensée séculiers et les coutumes populaires, les ethos religieux concernant le genre se nourrissent des héritages théologiques patriarcaux. Les femmes sont par essence considérées inférieures aux hommes dans leurs capacités de raisonnement, d’action et d’autorité malgré une certaine apologie de leurs qualités de sacrifice, de soumission et de dévotion. Cette hiérarchisation n’est pas compensée par l’idée de « nature religieuse » supérieure liée au xixe siècle au culte marial pour les catholiques (proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854) ou à l’idéalisation de la « vraie féminité » domestique dans le protestantisme, au rituel familial et à la sacralisation de la vie quotidienne dans le judaïsme. Les femmes sont encore perçues comme potentiellement dangereuses, marquées par l’impureté et la sensualité de leur corps, par la culpabilité du péché originel et le risque d’adultère et de bâtardise. Aussi sont-elles soumises à des injonctions de pureté, de modestie, de résignation au service de la figure divine mais aussi du pouvoir masculin clérical, familial et domestique. Les normes concernent également les conceptions de la virilité, supposant une nécessaire emprise sur les femmes et un certain rejet de la féminité. Dans le discours antisémite, les hommes juifs sont féminisés, à l’instar des colonisés dans les théories racistes, tandis que l’anticléricalisme assimile l’homme religieux au féminin et associe souvent le célibat catholique à une sexualité déviante.
Pour concurrencer les modèles séculiers d’hommes sportifs, guerriers et conquérants, des courants protestants anglais proposent un « christianisme musclé », repris dans la deuxième moitié du xixe par divers courants catholiques, juifs sionistes (Muskeljudentum), ou encore hindous dans l’Empire britannique contre les musulmans. Après 1907, le succès du scoutisme diffuse ce modèle au plan international. Religion, militarisme, nationalisme et racialisation sont étroitement liés et s’arriment à des idéologies de genre et de sexualité qui structurent les rapports de pouvoir, privés et politiques. En dépit de leurs diversités confessionnelles, nationales ou locales, les valeurs et prescriptions religieuses forgent des univers de sens qui se diffusent dans l’ensemble des sociétés et ont en commun la naturalisation des différences entre les sexes. Pour les courants ouverts à la question sociale, un certain réformisme maternaliste participe aux prémices de la fondation des États-providence. Dans les pays comme l’Italie et la France, la laïcisation concurrence la puissance du catholicisme sur l’éducation des filles et les mœurs (divorce notamment, autorisé de nouveau en France en 1884).
Les normes religieuses sont néanmoins sans cesse l’objet de résistance et de contournements favorisés tout au long du xixe siècle par l’essor du libéralisme, de l’individualisme et du socialisme, par la propagation des idées d’égalité et par l’émergence de mouvements d’émancipation. Les courants religieux se divisent globalement entre des sensibilités conservatrices traditionnalistes, ou plus progressistes libérales ou encore sociales, voire socialistes.
La question des femmes devient un enjeu d’avenir. On se préoccupe alors de leur accès à la connaissance religieuse et à leur meilleure intégration dans les rites. Dans le judaïsme libéral italien inspiré des Lumières juives, la Haskalah, est ainsi instituée à Modène en 1844 une cérémonie de bat-mitzvah pour les filles âgées de douze ans tandis que l’idée plus générale d’une éducation des filles et d’une formation professionnelle progresse au sein de la bourgeoisie philanthrope.
Le protestantisme accompagne davantage que le catholicisme les mutations sécularisatrices et la revendication d’égalité entre les sexes, en premier lieu dans l’éducation et le mariage puis dans la vie politique. Les oppositions sont néanmoins fortes et ce ne sont que par les marges et au sein de mouvements dissidents, chez les quakers ou les unitariens en Grande-Bretagne par exemple, que s’immiscent d’abord les doctrines égalitaires.
Privées, dans la très grande majorité des cas, d’accès aux fonctions honorifiques et au sacerdoce comme aux savoirs théologiques, les femmes s’investissent cependant ardemment dans les sphères religieuses. Un espace d’engagement confessionnel est réservé ou conquis par elles, dans un strict partage des rôles. Elles y puisent une vie spirituelle intense dont témoignent journaux intimes et correspondances, et profitent d’une sociabilité de piété partagée. L’action charitable valorise leur présence dans l’espace public, alors qu’elles en sont privées dans d’autres domaines professionnels ou politiques. La même ambivalence est à noter dans la sphère privée. Pour certaines, le puritanisme offre une protection face à une sexualité non consentie et aux violences conjugales subies. Dans le catholicisme, on constate dans toute l’Europe l’augmentation des vocations cloîtrées ou des engagements dans des congrégations actives dans les soins. Même dans le protestantisme où elle n’est pas admise, cette aspiration émerge. En France, inspirée par l’exemple des luthériennes allemandes, Caroline Malvesin (1806-1889) ouvre en 1841 la possibilité aux protestantes de former une communauté de diaconesses. Dans l’Église d’Angleterre, certaines paroissiennes tentent également de créer des communautés religieuses mal vues car soupçonnées d’être d’inspiration catholique. Une première communauté de femmes soignantes est cependant fondée à St John’s House en 1848.
Plus répandu encore, l’engagement des femmes dans les sociétés caritatives, d’inspiration religieuse ou directement liées aux milieux confessionnels, s’accroît tout au long du xixe siècle. À visée prosélyte et charitable auprès des pauvres, prisonniers, malades, vieillards, orphelins ou enfants à éduquer, des structures féminines se fondent et parfois s’adressent plus spécifiquement aux femmes, comme The Ladies Society for the Education and Employment of the Female Poor (1804) en Grande-Bretagne. Le mouvement évangélique du Réveil, qui se répand dans les milieux protestants européens à partir des années 1820, touche aussi fortement un public féminin. Engagées dans les missions bibliques puis dans les œuvres, elles se voient cependant privées de la possibilité de prêcher. L’encadrement de la jeunesse protestante devient aussi une cible privilégiée, à l’instar de la première association des jeunes hommes chrétiens (YMCA – Young Men’s Christian Association) fondée en 1841 à Londres qui connaît un développement dans tout l’Empire britannique et aux États-Unis. Comme son pendant féminin créée en 1855, la YMCA poursuit ses activités au xxie siècle.
Les missions chrétiennes au sein des empires coloniaux attirent également des femmes. Elles sont chargées en particulier de la conversion des populations féminines, pour les éduquer et les « émanciper » des coutumes locales, comme la répudiation musulmane ou la coutume de la sati (crémation des veuves) en Inde. Ce type de démarche exalte les vertus maternelles et domestiques et fournit aussi parfois une formation professionnelle, mais elle véhicule les préjugés de supériorité de la « race » blanche partagés par les missionnaires comme par les philanthropes des deux sexes.
Les femmes chrétiennes sont aussi parfois engagées dans des œuvres laïques qui se développent au cours du xixe siècle. Le combat d’inspiration protestante de Josephine Butler (1828-1906) pour l’abolition de la prostitution réglementée prend ainsi une dimension internationale non confessionnelle. Enfin, des rapprochements entre philanthropies religieuses, actions laïques et mouvements pour les droits des femmes s’amorcent à partir de 1888 avec la fondation du Conseil international des femmes qui se décline en grand nombre de sections nationales.
Modernités de genre et religions au XXe siècle
Au xxe siècle la confrontation des mondes religieux s’accentue avec les acquis en matière de droits et d’autonomie des femmes, que soutiennent les mouvements pour les droits des femmes en pleine expansion internationale. Un plus grand nombre de femmes sont éduquées et sont intégrées dans le salariat. Elles peuvent désormais suivre des études supérieures et ont gagné de haute lutte le droit d’exercer des professions de prestige.
Sensibles à ces dynamiques égalitaires, des associations féminines confessionnelles se constituent de façon indépendante, comme la conférence de Versailles qui réunit des protestantes en France depuis 1890. En Grande-Bretagne, les associations protestantes et juives se prononcent même pour le vote des femmes. En Allemagne, un mouvement des femmes juives est fondé en 1904 par Berta Pappenheim (1859-1936). En mai 1914, elle prend la tête d’un Conseil international des femmes juives, dont l’activité est interrompue par le premier conflit mondial. Bien que se soient tenus deux congrès mondiaux des femmes juives en 1923 et 1929, ce conseil ne prend finalement son essor qu’après la Seconde Guerre mondiale.
Les revendications touchent aussi l’organisation interne de la vie religieuse pour avoir accès au savoir ainsi qu’au droit de vote et d’éligibilité au sein des instances de décision confessionnelles. Les néerlandaises anabaptistes obtiennent de pouvoir de devenir pasteur en 1905. Mais les femmes sont encore rares à amorcer la longue lutte pour l’accès au sacerdoce comme la suffragette abolitionniste anglaise, Maude Royden (1876-1956) qui lance une telle campagne en 1929. En France, des protestantes ne sont acceptées à cette fonction qu’à titre exceptionnel face à la pénurie d’officiants pendant la Première Guerre mondiale et dans les années 1920 en Alsace-Lorraine. Une fois instituées officiellement dans l’Église réformée à la fin des années 1940, elles sont contraintes au célibat jusqu’en 1965. La résistance est également active en Scandinavie où les femmes ne deviennent pasteur qu’en 1947 au Danemark, en 1956 en Norvège, en 1958 en Suède. Dans le judaïsme, Regina Jonas (1902-1944) est la première femme à être ordonnée rabbin 1935 à Berlin, mais aucune ne lui succède après son assassinat à Auschwitz en octobre 1944. Dans l’ensemble, les milieux confessionnels ne voient pas d’un très bon œil ces initiatives. Plusieurs courants de renouveau religieux comme le sionisme revivifient à l’inverse les discours différentialistes sur l’identité religieuse des femmes et ses devoirs sacrés.
Dans les années 1960, les mondes religieux, notamment chrétien, affrontent un nouveau défi face aux évolutions concernant la possible dissociation entre reproduction et sexualité, qui se creuse avec l’invention de la pilule. Cette innovation est ardemment refusée par le catholicisme, d’autant que les anglicans ont déjà opéré leur transformation de principe sur l’usage de la régulation des naissances en 1930, confirmé en 1958, et que les protestants commencent à s’y rallier. Alors que les mobilisations politiques du « moment 68 » atteignent leur apogée dans toute l’Europe, la parution de l’encyclique Humanae Vitae le 25 juillet 1968 condamnant toute contraception non naturelle provoque cependant un choc, le concile de Vatican II (1962-1965) ayant laissé précédemment entrevoir un espoir d’ouverture. Mais le nouveau pape Paul VI et ses conseillers les plus conservateurs dont Karol Wojtyła (futur Jean-Paul II élu en 1978) l’ont emporté par surprise sur les réformateurs. L’encyclique entraîne pour beaucoup une rupture avec la pratique, voire avec la foi. Elle marque aussi une étape vers un conservatisme centré sur les mœurs qui a raison des courants libéraux d’après-guerre. Cette rigidité s’accompagne sous les pontificats de Jean-Paul II (1978-2005) puis de Benoit XVI (2005-2013) d’un refus réitéré du sacerdoce féminin. Le contrôle du corps des femmes par l’interdiction de la contraception non naturelle et de l’avortement ainsi que la masculinité du sacerdoce représentent les deux piliers d’un biopouvoir catholique qui résistent encore au xxie siècle à toute réforme.
Les combats pour le droit à l’avortement se heurtent à une hostilité religieuse en particulier catholique, mais les lois évoluent dans un sens plus libéral dans nombre de pays, marquant ainsi une perte d’influence du magister moral des milieux religieux sur les sociétés européennes. Dans les pays luthériens et dans la Grande-Bretagne anglicane, les Églises d’État évoluent et s’opposent moins farouchement à ces mutations. Face aux résistances religieuses à l’égalité des sexes, nombres de féministes croyantes se rassemblent pour rénover leurs théologies et leurs rituels, en s’inspirant des études féministes universitaires. Plusieurs fondent des groupes dissidents et indépendants ou encore inventent de nouvelles religions autour des figures de sorcières, tandis que quelques-unes tentent encore de faire évoluer l’égalité en interne et au plan œcuménique. Les courants libéraux dans le protestantisme et le judaïsme libéral se montrent les plus ouverts à ces évolutions égalitaires.
Religions, sexualités et genre : des évolutions paradoxales
À partir des années 1990, les défis de l’émancipation des femmes et des minorités sexuelles se complexifient dans un paysage religieux plus diversifié, marqué par une forte sécularisation, l’affirmation d’un islam européen et l’émergence de courants fondamentalistes dans toutes les confessions. Le développement d’un mouvement de libération gay et lesbien qui s’étend aux bisexuels, transsexuels et « queers » (qui refusent la binarisation des sexes), donne à la question sexuelle une place centrale dans les sociétés occidentales. Face à cette émergence et aux évolutions législatives libérales qui l’accompagnent en Europe, avec des unions de même sexe puis des possibilités de mariage et d’homoparentalité, de fortes oppositions religieuses sont perceptibles dans toutes les confessions. Des courants fondamentalistes mettent en avant leur traditionalisme sur les questions de genre, les zélateurs de l’État islamique le portant à son paroxysme. Du côté catholique, une mobilisation impulsée par le Vatican contre le concept de genre et les théories de la philosophe Judith Butler prend au début du xxie siècle une ampleur nouvelle au plan européen. Fortement mêlé aux nationalismes d’extrême droite, un catholicisme identitaire nourrit une mobilisation anti-genre contre la reconnaissance des couples de même sexe mais également contre la liberté d’avortement, notamment dans les pays de l’ancien bloc de l’Est qui voient les Églises orthodoxes prendre un nouvel essor après leur interdiction sous le communisme. Les religieux conservateurs catholiques – romains et d’Orient – tout comme les protestants s’organisent en lobbys pour influer sur les instances de l’Union européenne.
Malgré leurs positions minoritaires, des courants inclusifs (pour l’inclusion des personnes homosexuelles ou inspirés par les théories queer) innovent d’un point de vue théologique et rituel tandis que continuent de se développer des théologies féministes. Une meilleure intégration des femmes au sein des religions instituées est parfois possible comme dans l’Église d’Angleterre qui, à la suite de l’Amérique du Nord, accepte en 1992 les femmes prêtres puis, en 2004, les femmes évêques. En revanche, elle reste divisée, comme toute la communauté anglicane mondiale, face à la demande d’intronisation de prêtres ouvertement homosexuels. La Suède fait figure d’exception avec Eva Brunne (1954-), qui est en 2009, la première femme évêque de l’Église luthérienne dont le lesbianisme et l’homoparentalité est de notoriété publique. Cependant, le monde protestant très diversifié connaît une forte progression des courants évangéliques qui, sous l’influence nord-américaine, prennent activement parti contre l’avortement et l’homosexualité.
En France, en 2020, les trois seules femmes rabbins appartiennent au courant libéral qui n’est pas reconnu par le Consistoire, instance officielle. Dans le catholicisme, la dissidence féministe et les ordinations militantes de femmes se heurtent à un pouvoir masculin sans faille, même si le fonctionnement des paroisses repose de plus en plus sur des femmes. Des stages de masculinité tentent de rallier davantage d’hommes confortés dans l’idée d’une crise identitaire de la masculinité que seul le catholicisme pourrait résoudre.
L’islam européen très divers et non centralisé est lui aussi traversé par nombre de débats sur le genre, brouillés par les conflits internationaux. Le plus vif concerne le foulard islamique dont le port s’est répandu à partir des années 1990, promu par des courants fondamentalistes, tandis que certaines jeunes filles le choisissent comme un signe identitaire polysémique. Les autorités religieuses restent conservatrices sur les questions de genre mais des féminismes musulmans très minoritaires et quelques groupes inclusifs proposent de nouvelles articulations entre islam et égalité de genre en lien avec un combat contre les discriminations et le racisme. De rares femmes imames, comme Sherin Khankan (1974-) au Danemark, Kahina Bahloul (1979-) en France, symbolisent un espoir de changement malgré leur marginalisation.
En progression dans chaque confession, les féminismes religieux sont animés par la même volonté de relire les textes, changer les règles de droit religieux, intégrer les femmes à égalité et dans certains cas les homosexuels. L’analyse des questions de genre dans le domaine du religieux révèle ainsi une tension de plus en plus forte entre libertés de genre et engagements religieux dans une Europe dont la sécularisation s’accroît mais reste néanmoins une exception au plan international.