Les organisations internationales en Europe

L’Europe est le berceau des premières organisations internationales (OI), créées dès le xixe siècle. En particulier, elle a abrité la Société des Nations, à Genève à partir de 1919, puis à partir de 1945 plusieurs agences de l’ONU, ainsi que depuis 1957 la CEE devenue ensuite l’Union européenne. Initialement de nature technique, ces OI ont eu au xxe siècle une dimension plus politique et idéologique, avant de s’universaliser au xxie siècle.

La cité de l’ONU à Vienne (Autriche), appelée aussi Vienna International Centre ou « UNO-City ». Source : Wikimedia Commons.
La cité de l’ONU à Vienne (Autriche), appelée aussi Vienna International Centre ou « UNO-City ». Source : Wikimedia Commons.
Sommaire

Les premières organisations internationales (XIXe siècle)

C’est autour d’enjeux techniques que sont créées les premières organisations internationales : en 1815, l’année du congrès de Vienne, est créée la Commission centrale pour la navigation du Rhin, chargée de réguler les conditions de navigation sur ce fleuve frontalier qui concerne 9 pays ; et en 1865 est créée l’Union télégraphique internationale (UIT), à Genève, qui s’occupe initialement d’harmoniser les normes dans les transmissions des communications par télégraphe. Cette dernière va ensuite intégrer le système de l’ONU en 1945 et être rebaptisée Union internationale des télécommunications, trouvant de nouveaux objets de travail avec les communications téléphoniques et aujourd’hui par internet. En 1874 est créée l’Union générale des postes. Ces organisations techniques, comme l’a montré Léonard Laborie, se fondent sur l’établissement d’un traité international multilatéral et fonctionnent au moyen de conférences périodiques et d’un bureau international, en vue de créer un monde nouveau de coopération technocratique. Ces premières organisations internationales européennes, à vocation technique, reflètent un projet politique lié à l’universalisme et au régionalisme européen, ainsi qu’à l’impérialisme colonial.

Plus explicitement progressiste sur le plan social est l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs (AIPLT), fondée en 1901 à Bâle (Suisse) afin d’améliorer les conditions de travail des ouvriers, en cette période de révolution industrielle.

De la SDN à l’ONU (1919-1945)

En 1919, au sortir de la Première Guerre mondiale qui a dévasté l’Europe, 42 États de tous les continents, mais principalement d’Europe, fondent la Société des Nations (SDN), pour promouvoir les idéaux de paix et de négociation collective. Son siège est à Genève, ville à la longue tradition diplomatique et située en territoire neutre. Parmi ses pères fondateurs, on trouve notamment le président américain Woodrow Wilson, avec son discours des « 14 points » promouvant notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pourtant, du fait de l’isolationnisme du Congrès américain, les États-Unis n’y adhèrent pas.

En 1920, le Français Léon Bourgeois devient le premier président de l’Assemblée générale de la SDN, suivi en 1920-1921 par le Belge Paul Hymans.

La SDN se consacre notamment à la question du désarmement, avec le pacte Briand-Kellog, facilité par la commission en 1928, mais ce dernier échoue dans son objectif de « mettre la guerre hors la loi ». Rapidement, face aux tensions qui reprennent en Europe avec l’avènement des régimes fascistes, la SDN se retrouve impuissante. En 1933 l’Allemagne nazie quitte la SDN, suivie par l’Italie fasciste en 1937. La SDN échouera à empêcher le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939.

Pourtant, elle a accompli une action utile dans certains domaines plus techniques, comme la régulation des conditions de travail, avec son agence spécialisée qu’est l’Organisation internationale du travail (OIT), qui adopte des conventions progressistes comme la convention no 29 sur le travail forcé (1930), la convention no 35 sur l’assurance-vieillesse (1933), la convention sur la semaine de quarante heures (1935), celle sur les congés payés (1936) ou celle sur diverses formes de l’assurance sociale (1933), sans oublier celle sur l’indemnisation des chômeurs (1934). L’OIT accomplit une œuvre utile dans le contexte de la crise économique des années 1930 en Europe.

Suite aux bouleversements de la Seconde Guerre mondiale, en 1945 est créée l’Organisation des Nations unies (ONU), avec 51 États fondateurs, qui a son siège à New York mais aussi plusieurs bureaux et offices en Europe : à Genève se trouvent les sièges de plusieurs agences spécialisées comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR), à Rome celui de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à Paris celui de l’Unesco, et à Vienne, au sein du grand complexe architectural de la « UNO-City » inauguré en 1979, se trouve le siège régional de l’ONU ainsi que le siège de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), créée en 1957, et qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 2005 ; l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), créée en 1966 afin de stimuler le développement industriel de ses États membres ; l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO), créée en 1997 ; l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC) créée également en 1997, soit au total une dizaine d’agences onusiennes.

Des organisations internationales nées de la guerre froide (1947-1991)

En 1947, la guerre froide commence en Europe : pour distribuer l’aide financière du plan Marshall aux 16 pays d’Europe de l’Ouest qui l’ont acceptée, les États-Unis créent l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) qui a son siège à Paris. Elle se transforme en 1961 en Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), basée également à Paris.

Pour répliquer à la création de l’OECE et du plan Marshall, l’URSS crée en 1949 le Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM ou COMECON) qui se charge de coordonner l’aide économique apportée par l’URSS aux républiques populaires d’Europe de l’Est, pays où s’instaure un régime communiste. Ainsi, dès ces années, l’Europe est séparée en deux blocs idéologiquement rivaux, chacun avec son organisation internationale économique.

Si le CAEM a cessé d’exister en 1991, avec la dissolution de l’URSS, l’OCDE, elle, a poursuivi son existence et s’affirme comme une agence de gouvernance mondiale. Depuis la fin de la guerre froide, l’OCDE s’est ouverte à d’autres États membres non européens comme le Mexique ; elle comporte aujourd’hui 37 États membres, constituant un forum d’expertise et de gouvernance mondiale plutôt libéral et atlantiste.

Dans le cadre de la guerre froide, ce sont aussi deux agences militaires rivales qui ont été créées : en premier l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), sous l’impulsion des États-Unis en 1949, et, en réponse, en 1955, le traité de Varsovie, basé dans la capitale polonaise, organisation de défense placée sous l’égide de l’URSS et englobant les républiques populaires d’Europe de l’Est. 

Si le traité de Varsovie s’est dissous en 1991, l’OTAN a continué d’exister après la fin de la guerre froide, et s’est même ouvert à des pays d’Europe de l’Est comme la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie. Aujourd’hui elle compte 30 États membres.

Rome, Bruxelles, Strasbourg, Luxembourg, Francfort : villes-clés de la construction européenne (depuis 1951)

Si le rêve d’une Europe unifiée peut remonter au xixe siècle avec le désir de Victor Hugo de créer des « États-Unis d’Europe », c’est en 1951, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), qu’il prend forme grâce aux efforts notamment du ministre des Affaires étrangères français Robert Schuman. Cette nouvelle organisation régionale, qui comporte alors 6 pays (France, RFA, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), est basée à Bruxelles, capitale belge, du fait de sa localisation au cœur de la mégalopole européenne.

C’est dans une autre capitale européenne, à Rome, que sont signés en 1957 les traités de Rome, qui donnent naissance à la Communauté économique européenne (CEE). En 1992, par le traité de Maastricht (ville universitaire du sud des Pays-Bas), la CEE devient Union européenne et s’élargit à 12 membres. Après la fin de la guerre froide, elle s’élargit encore aux pays d’Europe de l’Est, comptant aujourd’hui 27 États membres. Ses capitales sont Bruxelles, siège de la Commission européenne, et Strasbourg et Luxembourg, sièges du Parlement européen. La ville allemande de Francfort accueille la Banque centrale européenne.

Ainsi, l’Europe a vu au xixe siècle naître sur son sol des organisations techniques, puis au xxe siècle des organisations plus politiques et idéologiques, et enfin au xxie siècle, après la fin de la guerre froide, ses organisations comme l’OCDE ou l’Union européenne s’élargissent et s’universalisent, tout en conservant leur siège au cœur de l’Europe.

Citer cet article

Chloé Maurel , « Les organisations internationales en Europe », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 08/09/20 , consulté le 28/03/2024. Permalien : https://ehne.fr/fr/node/21386

Bibliographie

Kott, Sandrine, « Par-delà la guerre froide. Les organisations internationales et les circulations Est-Ouest (1947-1973) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 109-1, 2011, p. 142-154.

Laborie, Léonard, « De quoi l'universel est-il fait ? L'Europe, les empires et les premières organisations internationales », Les Cahiers IRICE, IRICE, 2012/1, n°9, p. 11-22.

Reinalda, Bob (dir.), Routledge History of International Organizations : From 1815 to the Present Day, Londres, Routledge, 2009.

Reinalda, Bob, Routledge Handbook of International Organizations, Londres, Routledge, 2013. 

 

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