Les diètes d’Europe centrale se distinguent des états provinciaux tels qu’on les trouve en France par la nature même du « droit d’État » qui est le fondement de leurs pouvoirs. Si le pouvoir en France n’est « pas plus divisible que le point en la géométrie », il en va bien différemment dans d’autres États européens. De l’Espagne à la Pologne, le droit d’État, composé d’un ensemble de privilèges, forme une sorte de Constitution coutumière, où le pouvoir est partagé entre les représentants des « nations », la noblesse en règle générale, et le souverain. Les diètes ont donc un rôle essentiel dans le gouvernement de l’État, mais, longtemps, l’historiographie, hypnotisée par la notion d’absolutisme, n’a voulu y voir que le reliquat d’un pouvoir en voie d’affaiblissement.
L’évolution du pouvoir des diètes d’Europe centrale s’inscrit dans des chronologies très variables selon les pays. Affaiblie au cours du xviie siècle dans les territoires héréditaires des Habsbourg, la diète reste puissante en Hongrie, représentant toujours un danger politique potentiel pour le souverain (et ce jusqu’au xixe siècle), mais aussi une instance de collaboration possible pour la nation et le roi (voir la diète de 1741). Dans le Saint-Empire, si l’on affirme souvent la perte de puissance des institutions de l’Empire après 1648, la diète reste néanmoins un centre important pour l’Empire, et même pour l’Europe : avec sa sédentarisation à Ratisbonne, elle fait figure de congrès diplomatique permanent. Dans les États de l’Empire, l’évolution des diètes est très variable. En Saxe, par exemple, le pouvoir de la diète est relativement important au xviie siècle : elle casse le testament de Jean-Georges Ier, et contribue à prendre les décisions militaires ou économiques. Il faut attendre le règne d’Auguste le Fort, pour que le souverain, désormais plus à l’aise financièrement, puisse en réduire les pouvoirs. Le même mouvement d’abaissement de la puissance des États se retrouve dans les États du Brandebourg, avec des fortunes diverses. La Pologne, enfin, constitue un contre-exemple magistral à cette croissance du pouvoir du souverain. La diète polonaise ne cesse de dilater ses compétences au cours du xviie siècle, octroyant à ses membres des droits de plus en étendus, comme l’illustre le célèbre liberum veto. La situation qui en résulte est cependant désastreuse pour le pays, et contribue au blocage des institutions politiques polonaises au xviiie siècle.
La diète ne se réunit pas de sa propre initiative, elle est convoquée par le souverain, suivant une périodicité imposée par la loi, et plus ou moins bien respectée, selon l’état des relations entre le souverain et la noblesse. Ainsi, les convocations sont-elles beaucoup plus régulières en Bohême qu’en Hongrie. La durée d’une diète est très variable selon les sessions, de quelques semaines à six ou neuf mois en temps normal, voire beaucoup plus longtemps en période de crise.
Le pouvoir des diètes est très étroitement lié à celui de la noblesse, qui les peuple en majorité. Elles sont souvent divisées en chambres ou en curies. Leur composition varie d’un État à l’autre, mais on retrouve généralement quatre ordres politiques :
- les prélats, qui peuvent être issus du clergé séculier ou régulier, selon leur richesse respective : en Hongrie ou en Bohême, en raison de l’occupation ottomane, des guerres hussites et de la Réforme, le clergé régulier a perdu une grande partie de son assise foncière, à la différence de la Basse-Autriche où il reste très puissant ;
- les seigneurs ou magnats (en Hongrie) : les grandes familles nobles d’Europe centrale disposent d’une puissance bien supérieure aux Grands du royaume de France. Les seigneuries sont immenses, entièrement soumises à l’autorité du seigneur, et quasi inaccessibles au pouvoir du souverain. Le groupe des seigneurs écrase le plus souvent la diète de son autorité. Les seigneurs et les prélats composent, là où elle existe, en Hongrie ou en Pologne par exemple, la chambre haute de la diète (le Sénat en Pologne) ;
- la noblesse (chevaliers, simples gentilshommes) fournit la plus grande partie des membres de la diète, avec néanmoins d’importantes disparités selon les territoires. La noblesse est de moins en moins puissante, sur le plan démographique comme économique, en Bohême, tandis qu’elle reste très nombreuse en Hongrie ou en Pologne. À l’époque moderne, tous les nobles ne sont plus admis à la diète, à l’exception des diètes de convocation (élection du souverain) en Pologne. Ils élisent donc des représentants qui siègent pour eux ;
- les villes : dans les territoires Habsbourg, comme dans un certain nombre d’États du Saint-Empire, les villes royales siègent à la diète, mais leur rôle est de plus en plus faible. Les villes viennent compléter, en Hongrie. Par exemple, la chambre basse de la diète est tenue par la noblesse.
Il existe néanmoins des exceptions à cette composition, dont on retiendra deux exemples.
La diète d’Empire (Reichstag) n’est pas une assemblée représentative, mais plutôt un forum des États d’Empire. À ce titre, on y siège de droit, mais tous les États n’y sont pas représentés (Pays-Bas, États italiens, territoires Habsbourg et cantons suisses en sont absents, tout comme les chevaliers). Elle est composée de trois collèges : les Électeurs, les princes (ecclésiastiques, laïcs et comtes) et les villes libres.
La diète de Transylvanie réunit trois ordres différents des précédents, car il s’agit des trois nations qui composent les forces politiques de la principauté : nations hongroise, sicule et saxonne.
Les attributions des diètes diffèrent selon les territoires, les époques et le rapport de force entre le souverain et les ordres : en faveur du premier dans les États héréditaires Habsbourg, dans une situation de compromis tendu en Hongrie, ou en faveur de la noblesse en Pologne. La diète perd le pouvoir d’élire le souverain dans la plupart des États au cours du xviie siècle (Bohême 1627, Hongrie 1687, Transylvanie avec rattachement à la Hongrie par exemple), à l’exception de la Pologne. La diète conserve dans certains territoires un rôle législatif puissant comme en Pologne, en Hongrie, en Transylvanie, ou dans le cas de la diète d’Empire. Mais c’est parfois le souverain qui en a l’initiative et qui fixe l’ordre du jour (diète d’Empire ou de Hongrie au xviiie siècle, par exemple).
Les diètes votent l’impôt consenti au souverain, notamment pour financer les dépenses militaires. Elles ont aussi une compétence religieuse, pour seconder le souverain dans la reconquête catholique. Mais en Hongrie, la chambre basse, longtemps composée de très nombreux protestants, veille aussi au respect des libertés octroyées aux protestants hongrois, et la diète d’Empire est garante des droits conférés par les traités de Westphalie. Enfin, sur le plan économique, les diètes ont souvent un rôle très protectionniste. La diète d’Empire a, en outre, un rôle diplomatique, puisqu’elle vote la guerre et la paix pour le Saint-Empire.
Pour assurer le bon fonctionnement de ces missions, une administration, plus ou moins étoffée, peut exister autour des diètes : commissions permanentes réunies entre les sessions, ou bureau d’exécution des décisions (Bohême et Moravie par exemple).
Les diètes sont un véritable centre de la vie politique en Europe centrale, malgré les disparités existant dans leurs pouvoirs respectifs. Leur compétence financière leur permet de peser sur la politique du souverain, notamment sa politique étrangère.