Les Indes : apogée et déclin d’un empire au sein de l’Empire britannique

La présence britannique aux Indes débute au xviie siècle avec la fondation à Londres d’une compagnie de commerce, l’East India Company (EIC). L’EIC s’implante rapidement dans le sous-continent et devient un acteur majeur du commerce textile entre l’Inde, l’Angleterre et l’Asie. À partir du milieu du xviiie siècle, l’EIC devient un acteur politique majeur en Asie du Sud et conquiert de vastes territoires au sud et au nord de l’Inde, aux dépens de l’Empire moghol et d’autres États comme les Marathes et le sultan de Mysore, mais aussi en Asie et de l’Ouest et du Sud-Est et dans l’océan Indien. Après 1858 et la révolte des Cipayes, l’EIC disparaît et les Indes passent sous le contrôle de la Couronne britannique. Construction politique unique au sein de l’Empire britannique, les Indes sont un empire dans l’Empire où, dès le début du xxe siècle, s’exprime la volonté d’acquérir davantage d’autonomie politique.

 

Vue de Masulipatam, comptoir de l’East India Company, en 1676. Gravure de Philip Baldaeus, « A True and Exact Description of the most Celebrated East-India Coasts of Malabar and Coromandel ».
Vue de Masulipatam, comptoir de l’East India Company, en 1676. Gravure de Philip Baldaeus, « A True and Exact Description of the most Celebrated East-India Coasts of Malabar and Coromandel ». Source : Wikimedia commons
Le durbar de Delhi en 1877, gravure en couleurs extraite de The History of the Imperial Assemblage at Delhi, held in 1877, par James Talboys Wheeler. Plus de 400 princes indiens se réunirent à cette occasion, pour prêter allégeance au gouverneur général de l’Inde.
Le durbar de Delhi en 1877, gravure en couleurs extraite de The History of the Imperial Assemblage at Delhi, held in 1877, par James Talboys Wheeler. Plus de 400 princes indiens se réunirent à cette occasion, pour prêter allégeance au gouverneur général de l’Inde. Source : Archives nationales britanniques
Un soldat britannique allume la cigarette d’un soldat indien, pendant la Première Guerre mondiale, carte postale.
Un soldat britannique allume la cigarette d’un soldat indien, pendant la Première Guerre mondiale, carte postale. Source : Wellcome collection
Gandhi pendant la marche du sel, mars 1930.
Gandhi pendant la marche du sel, mars 1930. Source : Wikimedia commons
Sommaire

Aux sources de la présence : l’East India Company

L’aventure britannique aux Indes commence en 1600, avec la fondation à Londres d’une compagnie de commerce, The Company of Merchants of London Trading into the East Indies, plus connue sous le nom de l’East India Company (EIC).

Cette compagnie obtient le monopole du commerce entre les îles Britanniques et l’Asie. Elle témoigne d’une volonté de la Couronne anglaise de vouloir prendre part au commerce des épices avec l’Orient et de rivaliser avec l’Espagne et le Portugal. Dans la première moitié du xviie siècle, un partage d’influences se met en place entre la VOC, la compagnie hollandaise et l’EIC. La VOC concentre ses efforts sur l’archipel insulindien tandis que l’EIC s’installe en Inde.

Lorsque les Britanniques abordent les rivages de l’Inde au début du xviie siècle, l’Empire moghol est à son apogée. En 1611 et 1612, par deux firman ou décret de l’empereur moghol Jahangir, l’EIC obtient le droit d’établir deux factory en Inde. Une première est établie sur la côte de Coromandel en 1611, à Masulipatam. La seconde est fondée en 1612 dans le port de Surat, sur la côte ouest, dans une région connue pour la qualité de ses productions textiles. L’expansion de la Compagnie sur la côte de Coromandel se poursuit dans les années 1620-1640. En 1639, le petit établissement de Fort Saint-Georges devient le quartier général de la Compagnie sur la côte de Coromandel. Les autres établissements sur cette côte lui sont subordonnés et Fort Saint-Georges forme le petit noyau urbain fortifié de la future Madras. Vers 1640, tous les établissements de commerce de l’EIC aux Indes dépendent de la Presidency de Bantam, sur l’île de Java. L’expansion de la Compagnie se poursuit entre 1660 et 1680. En 1668, l’île de Bombay passe sous contrôle britannique comme partie de la dot de l’Infante du Portugal Catherine de Bragance (1638-1705) lors de son mariage avec Charles II d’Angleterre (1630-1685). En 1690, avec la fondation du comptoir fortifié de Calcutta aussi appelé Fort William, l’EIC s’établit dans le delta du Gange. À la fin du xviie siècle, les établissements commerciaux britanniques aux Indes rivalisent avec ceux créés par les Portugais et les Hollandais. L’EIC dispose de trois points d’appui principaux, les présidences de Madras, Bombay et Calcutta, qui coiffent un réseau de comptoirs commerciaux d’importance moindre, les agencies et factories.

Quelques milliers de civils sont installés dans ces établissements et se dédient entièrement à des activités commerciales, tissant des liens avec des marchands et intermédiaires locaux. Vers 1715, les marchands de l’EIC achètent à des marchands indiens principalement des cotonnades, des calicots et des mousselines en échange de lingots d’argent.

Le début du xviiie siècle représente un premier tournant dans l’histoire de l’EIC aux Indes, lorsque la Compagnie obtient de l’empereur moghol la liberté de commerce au Bengale. Cette riche province devient alors le centre de ses activités. La Compagnie s’enrichit considérablement en achetant de grandes quantités de tissus, qu’elle revend dans les îles Britanniques, mais aussi en Asie du Sud-Est et dans le monde de l’océan Indien. En Angleterre naît un goût pour les indiennes. Les dessins et les couleurs de ces textiles révolutionnent la consommation de certains groupes sociaux en Angleterre, de plus en plus friands de ces goods from the East.

Le milieu du xviiie siècle représente une seconde période charnière qui voit le rôle de l’EIC fortement évoluer. La Compagnie se mue en acteur politique qui gagne, en l’espace de quelques années, un pouvoir considérable dans le sous-continent. Vers 1740, l’Empire moghole est en déclin et se fragmente. Plusieurs riches provinces, comme l’Oudh, le Bengale, Delhi et Hyderabad s’affranchissent de la tutelle de la capitale moghole et ne payent plus de taxes. L’EIC tire alors parti de cette fragmentation du pouvoir politique pour imposer son autorité sur les différents micro-États qui composent désormais le paysage politique.

En 1763, le traité de Paris affaiblit considérablement les positions françaises aux Indes. La Grande-Bretagne est le grand vainqueur de la guerre sept ans (1756-1763).

Au même moment, l’EIC installe sa supériorité militaire et politique au Bengale. Le gouverneur du Bengale, Robert Clive (1725-1774), est victorieux à Plassey remportée en 1757 contre l’armée du dernier nabab indépendant, Siraj-ud-Daula (1729-1757). À partir de cette date, la Compagnie détient le pouvoir effectif au Bengale et l’empereur moghole est contraint de confier à la Compagnie le diwan de cette province, soit le pouvoir de collecter l’impôt.

Le Company Rule ou la naissance de l’empire des Indes

En 1765 débute une autre phase dans l’histoire de la Compagnie aux Indes, que l’on appelle le Company Rule, le « gouvernement de la Compagnie ». L’EIC commence alors à graduellement assumer un rôle pleinement politique et se lance dans la conquête de vastes espaces dans le sous-continent mais aussi dans l’océan Indien. La période du Company Rule dure un peu moins d’un siècle et se clôt avec la révolte de 1858, aussi appelée Mutiny ou révolte des Cipayes.

L’expansion de la Compagnie prend deux formes majeures. D’une part, à partir de 1760-1770, les guerres avec les puissances existantes dans le sous-continent sont nombreuses. Des alliances sont aussi signées avec les pouvoirs locaux, auxquels l’EIC confère une relative autonomie interne en l’échange de la reconnaissance de son autorité.

Les historiens parlent pour désigner cette période de l’histoire de Compagnie de military despotism et military fiscalism. L’EIC lève en effet de vastes armées en Inde. Mais elle prélève également de lourds impôts dans les zones sous sa protection.

Au début de la décennie 1770, la Compagnie est responsable, en vertu du traité d’Allahabad signé en 1765, du diwan dans les provinces du Bengale, du Bihar et d’Orrisa. En 1773, Fort William devient le siège de ses activités en Inde. Les guerres contre le sultanat de Mysore et les guerres anglo-marathes vont permettre à cette dernière d’accroître considérablement son emprise territoriale. À partir du Bengale, sa base territoriale, l’EIC part à la conquête du sous-continent indien.

Au milieu du xviiie siècle, plusieurs États jouent un rôle politique important dans le sous-continent aux côtés de l’Empire moghol en déclin : le Nizam d’Hyderabad et le sultan de Mysore, qui règne sur les hautes plaies situées entre les Ghâts méridionaux et septentrionaux, la chaîne de montagnes séparant les plaines côtières de l’intérieur. L’EIC, qui souhaite établir une connexion terrestre entre ses possessions au Bengale et celles de Madras, entreprend trois guerres contre le sultanat de Mysore. La première est relativement brève (1767-1769), mais les deux autres sont plus longues (1780-1784 et 1790-1792).

En 1792, à la fin de la seconde guerre entre les Britanniques et Mysore, Tipu Sultan (1750-1799) est défait face aux armées de l’EIC commandées par le gouverneur-général des Indes, Lord Cornwallis (1738-1805) lors du siège de Seringapatam. À partir de 1798, les répercussions hors d’Europe de la Révolution française et des guerres révolutionnaires ont un impact sur la politique que conduit l’EIC. L’idée d’une possible invasion française des Indes depuis l’Égypte commence à travailler les milieux de l’EIC. Tipu Sultan est accusé d’être allié à Bonaparte par le gouverneur-général Richard Wellesley (1760-1842) qui lance une troisième guerre contre Mysore. En 1799, Tippu meurt et la Compagnie acquiert une domination quasi totale sur le sud de l’Inde.

C’est ensuite en direction du nord de l’Inde que la Compagnie concentre l’essentiel de ses efforts, en menant des guerres contre la confédération marathe qui, au début du xviiie siècle, dominait une large partie du sous-continent, du Tamil Nadu au sud jusqu’à la ville de Peshawar au nord tout en occupant une partie du Bengale. Trois guerres sont nécessaires (1779-1782 ; 1802-1804 ; 1817-1818), qui se terminent en 1818 par une annexion de la quasi-totalité de l’Empire marathe.

Alors que la Compagnie multiplie les conquêtes au nord et au sud de l’Inde, les débats sur le mode de gouvernance de ce nouvel empire sont vifs. Avec la perte des colonies américaines, le premier empire britannique, ancré en Amérique du Nord et dans la Caraïbe, disparaît au profit d’un second empire, précisément centré en Inde et en Asie. L’enrichissement des agents de la Compagnie et les accusations de corruption portées à l’encontre de l’un des gouverneurs-généraux, Warren Hastings (1732-1818), entraînent une réflexion en Grande-Bretagne sur le mode de gouvernance de l’empire des Indes. Le procès pour corruption de Hastings dure de 1788 à 1795. Pour l’accusateur du gouverneur, Edmund Burke (1729-1797), l’impérialisme de la Compagnie et son enrichissement, symbolisé par Hastings et les nabobs, ces agents de la Compagnie qui font fortune aux Indes, sont en train de corrompre the « old English virtue ». La Grande-Bretagne court comme un risque à poursuivre des conquêtes in the East, symbole d’une décadence qui pourrait toucher la Couronne.

Dans ce contexte, la Compagnie accroît encore son emprise territoriale au nord de l’Inde, en remportant des victoires décisives contre le royaume sikh qui dominait le Punjab, le Sindh, le Kashmir et une partie du Tibet. Les deux guerres anglo-sikhes sont sanglantes (1845-1846 ; 1848-1849) et se soldent par l’annexion du royaume.

Des alliances sont aussi signées avec des pouvoirs locaux, donnant naissance aux Princely States parmi lesquels on compte, à partir de 1791, Cochin, Travancore en 1795 et Hyderabad en 1798.

Vers 1850, la Compagnie est désormais à la tête d’un immense empire territorial. L’idée d’une menace d’invasion sur les Indes, incarnée par Napoléon, puis par la Russie, stimule l’annexion d’espaces situés hors du sous-continent. Les colonies britanniques dans le sous-continent se constituent ainsi un empire informel en Asie du Sud et dans l’océan Indien.

La Compagnie prend pied en 1786 à Penang, en 1819 dans le golfe Persique, en 1819 à Singapour et en 1824 à Malacca. À l’issue de trois guerres (1824-1826 ; 1852 ; 1885), la Birmanie est annexée.

Après deux guerres (1839-1842 ; 1878), l’Afghanistan devient un buffer state des Indes, une sorte de protectorat déguisé. Hong Kong est annexée en 1842.

Quelles sont alors, à la veille de la révolte de 1857-1858, les caractéristiques de cet étrange État ? Le Company Raj est à la fois une machine fiscale qui a le monopole de l’usage de la force armée et une organisation politique extrêmement puissante. Les Indiens sont exclus de la machine gouvernementale où les postes sont occupés par des Britanniques.

Quelques réformes sont conduites par la Compagnie dans les domaines de la société et de l’éducation dans la première moitié du xixe siècle : interdiction de la sati en 1829 (coutume qui consistait pour les veuves à s’immoler sur le bûcher de leur mari), lutte contre les thugs entre 1820 et 1855 (une secte de « bandits »), remplacement du persan par l’anglais comme langue officielle en 1832.

Construction politique unique née en un siècle, le Company Raj fait face à partir de 1857 à une grande rébellion, la révolte des Cipayes. Véritable coupure dans l’histoire de l’Inde coloniale, cette révolte suscite encore de nos jours de nombreux débats. Les raisons qui suscitèrent les mutineries parmi les troupes indigènes, les Cipayes, sont discutées. Ce soulèvement fut une vaste révolte populaire, qui ne se limite pas aux soldats indiens et implique la paysannerie indienne et atteint une très large partie de l’Inde du Nord et du Centre. Avec les mutineries, s’exprime en effet le mécontentement de plusieurs strates de la société indienne contre le despotisme militaire et fiscal de l’EIC.

La révolte des Cipayes éclate près de Delhi en mai 1857 en raison du mécontentement de soldats musulmans et hindous contraints d’utiliser des cartouches contenant des substances impures (graisse de porc pour les musulmans, ou de vache pour les hindous). Dans les mois qui suivent, les mutineries contre l’EIC se multiplient et le pouvoir britannique peine à riposter, ne pouvant compter que sur les faibles contingents de soldats Européens. Le pouvoir colonial vacille, particulièrement au Bengale. Les Britanniques reprennent le contrôle de la situation à l’été 1858.

De l’apogée de l’empire des Indes à la marche vers l’indépendance

La première conséquence de la révolte des Cipayes est l’abolition de l’EIC. L’Inde passe en 1858 directement sous le régime de la Couronne. L’Empire moghol est définitivement aboli. Une nouvelle administration coloniale naît. Le Secretary of State for India coiffe désormais une administration coloniale dirigée par un vice-roi. En 1911, l’administration de l’Inde impériale est transférée de Calcutta à Delhi.

En 1877, lors d’un grande durbar – ou « cérémonie » – organisée en l’honneur de la reine Victoria (1819-1901), qui n’était pas présente, l’union des Indes et de la Couronne britannique est comme scellée. La souveraine reçoit le titre d’impératrice des Indes et les liens avec les princes indiens sont renforcés. Un tiers du subcontinent est ainsi désormais constitué de plus de 500 Princely States administrés par des Résidents, sous le régime de l’indirect rule.

À partir de 1858, le temps des conquêtes est terminé et débute celui de la consolidation des acquis territoriaux. L’armée est réorganisée. Le maintien de l’ordre colonial repose désormais sur des forces britanniques, la British Army in India. Une Indian Army est créée où sont recrutées des populations indigènes.

L’Inde demeure tout au long de la seconde moitié du xixe siècle une construction originale au sein de l’Empire britannique, car elle n’est pas une colonie de peuplement. La population britannique, qui compte de nombreux Écossais et Irlandais, ne dépasse pas à la fin du xixe siècle environ 70 000 personnes.

La société britannique en Inde est une société hiérarchisée. Au sommet, on trouve les officiers de la British Army in India, les fonctionnaires de l’Indian Civil Service, suivis par les officiers de l’Indian Army, les membres des corps techniques Public Works Department et les missionnaires et enseignants. Une véritable ségrégation règne entre la population britannique et la population indigène.

Les années 1850-1870 voient des changements apparaître dans les domaines sociaux et économiques. Des universités sont créées à Calcutta, Bombay et Madras. Le barreau et la magistrature offrent des débouchés à la société indienne, mais aussi la presse et les professions médicales. Un vaste réseau de chemins de fer est graduellement bâti. Vers 1870, toutes les villes principales sont connectées.

Au début du xixe siècle, l’Inde britannique connaît une sorte d’apogée sous la vice-royauté de George N. Curzon (1859-1925). Fervent impérialiste, Curzon organise en 1904 une grande durbar, pour célébrer l’accession d’Édouard VII (1841-1910), au titre d’empereur des Indes. Lors de festivités somptueuses à Delhi convergent dans la cité impériale de nombreux princes indiens, mais aussi les chefs et dignitaires d’États gouvernés par les Indes, comme le sultan d’Oman.

Vers 1900, les premières revendications politiques se font jour contre la domination britannique. Le Congrès indien, créé en 1885, demande la mise en place en Inde d’un gouvernement plus libéral, garanti par des principes constitutionnels, et réclame plus de droits politiques pour les sujets indiens. En 1904, naît le mouvement swadeshi, qui recourt à la violence et au terrorisme contre les Britanniques. En 1906, est créée la Ligue musulmane.

Alors que les premiers troubles éclatent, le calme est ramené par des réformes qui introduisent une dose de représentativité des populations dans les institutions politiques.

Durant la Première Guerre mondiale, la situation est calme et l’Inde fournit un effort de guerre considérable. Plus d’un million d’Indiens combattent dès 1914 sur le front de l’Ouest et en Mésopotamie. Cette guerre est lourde de conséquences. Au retour des soldats démobilisés, une inflation dévaste une économie déjà fragile. Dès 1918, l’agitation nationaliste reprend, demandant l’autonomie de l’Inde. En 1917, dans ce contexte, le Secrétaire d’État à l’Inde, Edwin Montagu (1879-1924), promet une future évolution de l’Inde vers le statut de dominion.

Dans les années 1920, un personnage devient rapidement le catalyseur du nationalisme indien. Avocat de formation ayant étudié en Grande-Bretagne, Mohandas Karamchand Gandhi (1869-1948), le « Mahatma », se situe dans la tradition des modérées du Congrès. Lors d’un long séjour en Afrique du Sud (1893-1914), il a mis au point des méthodes nouvelles de revendication politique, connues sous le nom de satyagraha : agitation non violente, arrestations volontaires, marches et alternance de pressions et de négociations.

À la suite de la promulgation en 1919 du Government of India Act, qui modifie le fonctionnement des gouvernements provinciaux, des troubles importants éclatent au Punjab. En avril, afin de faire un exemple, le général Reginald Dyer (1864-1927) donne l’ordre d’ouvrir le feu sur une foule pacifiquement rassemblée dans le temple Jallianwala Bagh d’Amritsar. Le retentissement de ce massacre qui fait près de 400 morts est immense et creuse encore le fossé entre Indiens et Britanniques. Débute alors un nouveau mouvement de non-coopération dirigé par Gandhi qui prend fin en 1922.

Un calme précaire s’installe. Le Congrès se divise et une figure monte en puissance, celle de Jawaharlal Nehru (1889-1964). Les tensions religieuses entre les communautés s’aggravent. À partir de 1927, l’Inde s’embrase à nouveau alors qu’une commission composée uniquement de Britanniques arrive pour étudier de nouvelles réformes constitutionnelles. Des manifestations spectaculaires ont lieu, ainsi que des attentats terroristes perpétrés par des figures qui deviennent des héros, comme le révolutionnaire Bhagat Singh (1907-1931).

En 1929, le Congrès se réunit et se prononce pour l’indépendance totale et l’organisation d’un grand mouvement de désobéissance civile. Ce mouvement débute en 1930 par la célèbre marche du sel menée par Gandhi. Le pouvoir colonial est rapidement ébranlé par les grèves, les manifestations et les démissions de fonctionnaires. Ce grand mouvement de désobéissance civile se distingue du mouvement de non-coopération parce que les étudiants, l’élite urbaine et la classe ouvrière y participent de façon limitée. En revanche, les marchands et les milieux économiques sont pleinement engagés, avec le boycott des produits britanniques. En 1935 est promulgué par le Parlement de Londres un nouveau Government of India Act qui prévoit la mise en place d’un gouvernement de type fédération où une partie des pouvoirs seraient transférés à des ministres indiens. Il est loin de satisfaire les revendications du Congrès.

En 1939, alors que la Grande-Bretagne entre en guerre contre l’Allemagne, les tensions entre le Congrès et le pouvoir britannique sont à leur comble. Gandhi déclare que l’Inde est prête à soutenir la lutte contre le nazisme si les Britanniques officialisent de façon claire leur position sur le futur de l’Inde. En 1940, Gandhi adopte une résolution pour une satyagraha modérée. Au même moment, la ligue musulmane vote en session à Lahore une résolution pour la création du Pakistan. En décembre 1941, alors que les Britanniques subissent de graves défaites en Asie du Sud-Est, Gandhi suspend le mouvement. En 1942, Gandhi et Nehru lancent un nouveau mouvement : Quit India. Ils demandent aux Britanniques de remettre immédiatement aux Indiens le gouvernement de leur pays.

Après trois années d’impasse politique, les négociations politiques reprennent en 1945. Commence alors la marche vers la partition de l’Inde.

Citer cet article

Guillemette Crouzet , « Les Indes : apogée et déclin d’un empire au sein de l’Empire britannique », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 23/06/20 , consulté le 20/04/2024. Permalien : https://ehne.fr/fr/node/14131

Bibliographie

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Markovits, Claude, Histoire de l’Inde moderne, 1480-1950, Paris, Fayard, 1994.

Metcalf, Thomas, Imperial Connections : India in the Indian Ocean Arena, 1860-1920, Berkeley, University of California Press, 2007.

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