Les inspirations
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses organisations internationales telles que le FMI, la BIRD ou le GATT voient le jour. Elles ont pour objectifs la stabilité financière mondiale, le développement du commerce et la coopération monétaire internationale. Ces institutions découlent de la doctrine libérale s’appuyant sur l’idée que la paix repose sur le développement des échanges organisés sur des bases institutionnelles stables. Faisant fi des disparités économiques, sociales et culturelles des différents pays du monde, alors que les guerres de décolonisation ont cours et de surcroit dans un contexte de guerre froide, ces organisations ne font pas l’unanimité. On conteste notamment le rôle dominant des pays industrialisés dans leur fonctionnement ce que manifeste la prééminence des États-Unis et la présence de leurs sièges en Amérique du Nord.
L’ensemble de ces circonstances contribue à la mise en place du mouvement des non-alignés en 1955 suite à la conférence de la solidarité afro-asiatique de Bandung en Indonésie. Ce mouvement a pour but d’éviter aux pays nouvellement indépendants et aux territoires qui le deviendront, de tomber dans l’une des deux sphères d’influence mondiale, afin de préserver leur indépendance récemment acquise. La volonté des pays dits du « tiers monde » est de faire évoluer le système commercial et financier dans un sens favorable au développement. Le cheval de bataille des non-alignés est donc d’acquérir une indépendance économique claire après avoir acquis leur indépendance politique.
La mise en pratique des idées
La concrétisation de ce projet au plan institutionnel se traduit par la création de la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement en 1964. Dans ce même élan tiersmondiste est adoptée la « Déclaration commune des soixante-dix-sept pays » au sein de l’ONU. Le groupe promeut les intérêts économiques et politiques des pays en voie de développement et un meilleur équilibre des relations commerciales entre pays en voie de développement et pays développés représentés alors par l’Organisation de coopération et de développement économique créée en 1961. La charte d’Alger adoptée en octobre 1967 par le groupe des 77 précise les droits économiques des États du tiers monde tels que la création d’un mécanisme qui évite la détérioration des termes de l’échange, la libre disposition des ressources nationales ou encore la fixation d’une aide publique minimale des pays développés aux pays en développement. La CNUCED est la structure principale à travers laquelle s’exprime le groupe des 77, la conférence lui offre une importante visibilité diplomatique. Néanmoins, les 77 interviennent également en tant que groupe géopolitique dans toutes les instances des Nations unies.
La CNUCED s’installe au palais des Nations à Genève, alors siège principal des Nations unies en Europe. La volonté de ne pas s’établir aux États-Unis concorde avec la politique de la conférence et son historique de non-alignement. Si la CNUCED est un organe de l’ONU, elle montre une certaine autonomie dans son organisation. Elle permet ainsi aux États non-membres de l’ONU d’intégrer la conférence. Ses principales actions sont d’accompagner les pays en voie de développement sur les marchés en apportant une assistance technique et des expertises ciblées. La CNUCED assiste également le secteur privé à travers la diffusion des normes et des techniques du commerce international et accompagne ses membres dans la recherche de financements.
Le Fonds commun pour les produits de base
Sur le constat d’une dégradation des termes de l’échange pour les pays producteurs de matières premières, la CNUCED souhaite intervenir avec la création d’un fonds de soutien international de leurs prix. Au cours des années 1960, les pays en voie de développement, producteurs de matières premières, voient la valeur relative de leurs exportations diminuer par rapport à celle de leurs importations de produits manufacturés et des biens d’équipement nécessaires à leur développement. Durant les années 1970, se déroulent d’âpres négociations pour faire appliquer le programme global intégré « pour une gamme étendue de produits de base dont l’exportation présente un intérêt pour les pays en voie de développement », de la CNUCED. La conférence cherche donc à réguler les marchés des matières premières en négociant des accords multilatéraux impliquant les États mais également les organisations internationales liées au commerce.
Dans le cadre européen cette même logique est appliquée avec la signature en 1975 de la convention de Lomé qui permet aux pays africains, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), dits « associés » à la Communauté économique européenne, de bénéficier d’avantages commerciaux tels que la fin de la réciprocité tarifaire ou un système de stabilisation des recettes d’exportation sur les produits agricoles. Au niveau international, est finalement créé, le 27 juin 1980, le Fonds commun pour les produits de base. Ce fonds permet le financement de plusieurs stocks régulateurs grâce à un nouveau fonds central alimenté par des contributions gouvernementales directes. Le but est de contribuer à la stabilisation des recettes d’exportation des pays en développement exportateurs. Le résultat de cette initiative qui veut renforcer la collaboration économique globale entre pays du Nord et pays du Sud se révèle cependant de portée limitée en raison des divergences d’intérêts au sein du groupe des 77 entre les pays producteurs de pétrole et les autres.
La crise de la dette
Au cours des années 1970 les pays du Sud ont cherché à promouvoir leur développement en empruntant des capitaux sur le marché et auprès des banques. Le contre-choc pétrolier, la baisse du prix des matières premières et la hausse des taux d’intérêt au début des années 1980 liée à la politique de la banque centrale américaine, mettent en péril les économies de nombreux pays en développement.
Avant que cette crise ne se concrétise, la CNUCED avait tenté d’alerter sur les difficultés que peut engendrer la dette sur le processus de développement. Ainsi, lors de la neuvième session extraordinaire du Conseil du commerce et du développement, en 1978, les pays développés acceptent d’alléger la dette d’une partie des pays les plus pauvres. Il s’ensuit une réduction de son montant de 6 milliards de dollars, une réussite pour la CNUCED à laquelle ne participent pourtant pas les États-Unis.
L'endettement extérieur des pays en voie de développement atteint 560 milliards de dollars en 1980. Si le FMI et la BM interviennent pour mettre à disposition de nouveaux prêts, c’est sous condition de l’adoption de politiques d’ajustement structurel d’inspiration libérale qui seront désignées sous le terme de « consensus de Washington ».
Durant la crise, la CNUCED adapte son action et cherche à assister les pays en difficulté notamment dans l’accompagnement des demandes de rééchelonnement vis-à-vis des organismes publics et privés. Elle met en place un logiciel de gestion de la dette, SYGADE, qui permet une meilleure administration de celle-ci à travers conseils, accompagnement et formation autour de cet outil. La CNUCED a également tenté des propositions pour alléger la dette des pays mais elles furent rejetées. En 1989, les États-Unis mettent en place le plan Brady qui prévoit une réduction de la dette extérieure d’une quarantaine de pays notamment parmi les plus pauvres. Cela permet de lancer une série de négociations entre pays créanciers et pays débiteurs.
Recherche, collecte de données et assistance technique sont encore aujourd’hui le fer de lance de la CNUCED. L’union des pays en développement est de moins en moins réelle mais les besoins de ces pays n’en demeurent pas moins importants. Si elle est désormais davantage dans la collaboration que dans la confrontation de ses débuts, la CNUCED reste l’une des rares organisations internationales liées au commerce à aller à l’encontre des approches strictement libérales.