La diplomatie territoriale est un concept relativement récent dans les relations internationales qui met l’accent sur l’action extérieure des acteurs infranationaux (villes, États fédérés, collectivités territoriales). Leur intervention dans la politique internationale, à côté d’autres acteurs transnationaux comme les ONG ou les entreprises internationales, est facilitée par deux évolutions majeures depuis la fin des années 1980 : d’une part, par le processus de globalisation qui contribue à la « décomposition » de l’État westphalien comme seul acteur international légitime de la politique extérieure ; d’autre part, par le processus d’intégration européenne et la transformation de l’Union européenne (UE) en un acteur sui generis, quasi étatique, qui institue un système de gouvernance multiniveaux dans lequel interviennent également, à côté des États nationaux, les collectivités locales et régionales.
La notion de diplomatie territoriale est polysémique et englobe de multiples formulations dans la littérature scientifique telles que paradiplomatie, diplomatie infra-étatique, diplomatie régionale, diplomatie des villes, diplomatie des territoires, diplomatie décentralisée, etc., qui ne reflètent pas forcément la même approche de l’action extérieure des acteurs infranationaux.
En France, la diplomatie territoriale est étroitement liée à celle de la coopération décentralisée qui se traduit généralement par la mise en œuvre d’une politique locale d’aide au développement et par l’établissement des partenaires intercommunaux extra-européens (Nord-Sud). Dans cette optique, la diplomatie territoriale s’entend comme un prolongement de la politique étrangère de l’État au niveau local et se construit en coopération et en complémentarité avec celle-ci. La légitimité de cette action internationale des collectivités locales prend son origine dans la pratique des jumelages qui ont été initiés après la fin de la Deuxième Guerre mondiale entre la France et l’Allemagne, dans le but d’une réconciliation entre ces deux pays. Aux États-Unis, en revanche, l’origine d’une politique étrangère municipale vient d’une mobilisation des populations locales dans les années 1980 contre la politique étrangère américaine, par exemple, pour boycotter des investissements jugés non éthiques dans certains pays ou pour favoriser l’accueil des réfugiés illégaux fuyant les conflits en Amérique latine. Ce concept d’une diplomatie des villes « indépendante » de l’État a été repris par l’Association des cités et gouvernements locaux, fondée en 2004 qui regroupe des unités infranationales du monde. En 2006, lors d’une réunion à Marrakech, elle définit la diplomatie des villes comme « outil des autorités locales pour promouvoir la cohésion sociale, la prévention des conflits et la reconstruction post-conflits ».
Or la terminologie « européenne » de la diplomatie territoriale dépasse le cadre de la coopération décentralisée ou de la diplomatie locale précitées : premièrement, au niveau européen, elle est aussi entendue comme une action paradiplomatique des États fédérés qui est autorisée dans les systèmes fédéraux et inscrite en tant que telle dans leurs constitutions (par exemple en Allemagne ou dans la Confédération helvétique). Deuxièmement, dans le contexte de l’intégration et notamment après l’introduction du principe de subsidiarité à l’article 3B du traité de Maastricht en 1992, la diplomatie territoriale devient également un outil pour les collectivités territoriales de participer à la politique européenne. Au sein de l’UE, ces dernières pratiquent une « petite » politique étrangère qui leur permet de dépasser la frontière nationale en développant des coopérations interrégionales, transfrontalières, transnationales et macrorégionales. Cette diplomatie territoriale européenne est d’abord censée contribuer à la mise en œuvre politique régionale communautaire. À partir de la création du programme Interreg par la Commission européenne en 1990, la Communauté européenne associe directement les régions à l’accomplissement du Marché unique. Dans la Politique européenne de voisinage (PEV) de 2004, l’UE prévoit également une contribution des régions à la stabilisation des frontières extérieures et leur met à disposition un outil financier, l’instrument de la Politique européenne de voisinage, pour accomplir cette tâche. Le rôle des régions dans la politique régionale est encore renforcé en 2007, lorsque la Commission européenne y inscrit l’objectif de coopération territoriale qui vise à ce que les régions, de par leur « petite » politique étrangère, contribuent à la cohésion économique et sociale en Europe. Enfin, depuis la création de l’outil juridique du Groupement européen de coopération territoriale (GECT) en 2007, les collectivités territoriales peuvent contractualiser des relations extérieures avec leurs voisins européens et mettre en place des structures juridiques transnationales. Le Conseil de l’Europe, avec l’adoption du 3e protocole additionnel à la Convention européenne de Madrid sur la coopération transfrontalière en 2009, prévoit la mise en place d’un outil juridique similaire, le Groupement euro-régional de coopération (GEC) pour les régions frontalières des 47 États membres du Conseil de l’Europe. Cet outil juridique doit notamment permettre aux collectivités territoriales non-membres de l’UE de pratiquer une politique de voisinage et ainsi de contribuer à la stabilisation du continent européen.
En France, la diplomatie territoriale a récemment évolué avec l’adoption, le 13 décembre 2000, d’une nouvelle loi d’orientation qui reconnaît aux collectivités territoriales d’outre-mer d’intervenir dans les négociations et, sous certaines conditions, de signer des accords avec des États souverains. Cette loi permet par exemple à la Guyane de contractualiser directement avec le Brésil. Un nouveau projet de loi du 22 juillet 2015 envisage d’ouvrir cette possibilité à toutes les collectivités territoriales françaises pour faciliter la diplomatie territoriale. Toutefois, ces dispositifs prévoient toujours que l’action extérieure des collectivités territoriales soit autorisée par l’État et soit donc compatible avec et complémentaire à la « grande » politique étrangère.