Pratiques diplomatiques européennes et mondialisations contemporaines

Définies comme l’adhésion à des normes – juridiques, politiques, culturelles et professionnelles – communes à l’ensemble de la sphère diplomatique, reconnues par la tradition, et codifiées tardivement en 1815 et surtout 1961, les pratiques diplomatiques européennes se sont forgées dans la confrontation avec l’altérité représentée à l’époque moderne par les pratiques ottomanes, et éprouvée aussi lors de contacts avec les sociétés locales dans un contexte d’évangélisation et/ou de confrontation coloniale dans les Amériques, en Afrique ou en Extrême-Orient. Elles sont aussi marquées par deux processus, l’un en gestation, l’autre nouveau : la constitution d’un espace public où s’intensifient les débats sur les questions internationales et l’intégration d’une partie du continent portée par les dynamiques économiques mais fondamentalement soudée par un projet politique. Nous examinerons par conséquent comment ces pratiques ont évolué en fonction d’un triple défi : défi des mondialisations, défi de la démocratisation, défi de l’intégration. Nous mettrons ainsi en perspective la question d’une « mondialisation » des pratiques diplomatiques en ce début de xxie siècle.

Sommaire

Les pratiques diplomatiques de l’Europe se forgent dans les phases d’expansion, de stagnation ou de rétractation de la mondialisation en fonction des relations pacifiques ou conflictuelles entretenues par ses États, entre eux ou avec les représentants d’autres aires culturelles. Elles sont tributaires des révolutions technologiques qui modifient les vecteurs matériels des échanges. Elles évoluent en fonction du rapport de forces entretenu par les acteurs sociaux et les États. Enfin, elles se nourrissent de la variété des expériences nationales et infranationales vécues sur son propre sol.

Nous définirons les pratiques diplomatiques comme l’adhésion à des normes – juridiques, politiques, culturelles et professionnelles – communes à l’ensemble de la sphère diplomatique et reconnues par la tradition. Cimentées au cours des décennies, elles commencent à être codifiées par le Règlement sur le rang entre les agents diplomatiques (1815). Il faut attendre la naissance de la Société des Nations pour que les choses s’accélèrent. Son Comité́ des experts pour la codification progressive du droit international, institué en septembre 1924, travaille sur la procédure des conférences internationales et des traités. Cette œuvre sera prolongée par la Commission de droit international de l’ONU, créée en novembre 1947. Sous son égide, des conventions fondamentales sont adoptées sur les relations diplomatiques (1961) et consulaires (1963), sur le droit des traités (1969), sur la représentation des États dans leurs relations avec les organisations internationales de caractère universel (1975), sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales (1986).

Les travaux conduits par les historiens médiévistes et modernistes, sensibles aux apports de l’histoire comparée, nous inclinent aujourd’hui à ne pas considérer la culture diplomatique de l’Europe comme un tout homogène et à souligner ses variations nationales. Ils mettent néanmoins en valeur l’émergence d’une culture diplomatique particulière, qui a couvert alors de larges parties de l’Europe, progressivement unifiée, entre les décennies 1670 et 1720, par l’adoption d’un code de comportement et un langage spécifique communs. Ils présentent un monde relativement clos sur lui-même, celui de la « société des princes » (Lucien Bély), devenu l’apanage de la noblesse. Le respect de certaines pratiques est progressivement admis par tous : les règles de courtoisie, l’entente sur le nombre d’ambassadeurs et du lieu de la négociation, la culture du secret de la négociation, etc. Les pratiques européennes relèvent ainsi, incontestablement, d’un code commun de comportement, assimilé et reconnu de manière implicite par tous, et qui s’exprime, en particulier, par l’adoption de protocoles et de rituels issus de la culture aristocratique, par l’élection d’une langue, le français, dans un code vestimentaire, dans le protocole diplomatique. Cela se traduit encore dans une écriture et un discours spécifiques qui répondent aux contraintes antinomiques qui pèsent sur la diplomatie. Ces travaux enseignent enfin que les pratiques diplomatiques européennes se sont forgées dans la confrontation avec l’altérité, représentée à l’époque moderne par les pratiques ottomanes, et éprouvée aussi lors de contacts avec les sociétés locales dans un contexte d’évangélisation et de confrontation coloniale dans les Amériques, en Afrique, ou en Extrême-Orient.

Si leur évolution à l’époque contemporaine demeure tributaire des vagues nouvelles de la mondialisation des xixe-xxe siècles, elles sont aussi marquées par deux processus, l’un en gestation, l’autre nouveau : la constitution d’un espace public où s’intensifient les débats sur les questions internationales et l’intégration d’une partie du continent portée par les dynamiques économiques mais fondamentalement soudée par un projet politique. Nous examinerons par conséquent comment ces pratiques ont évolué en fonction d’un triple défi : défi des mondialisations, défi de la démocratisation, défi de l’intégration.

Au défi des mondialisations

Les pratiques diplomatiques de l’Europe sont tributaires de l’évolution des conditions matérielles de leur exercice. Les révolutions de la communication modifient considérablement le métier du diplomate. L’usage du télégraphe, de la radiotélégraphie, du téléphone, du fax, puis du courrier électronique, des téléphones mobiles, de la messagerie instantanée ou encore des visio-conférences, l’essor des réseaux sociaux ont des conséquences très fortes sur une fonction essentielle du diplomate : prendre le temps de produire, d’analyser et de transmettre une information de qualité qui soit une aide à la décision. Les télécommunications génèrent une masse d’informations concurrentielles, fragilisent la sécurisation des échanges et des négociations et la conservation de leur mémoire.

En second lieu, le développement en nombre, dès les années 1860, d’unions administratives qui ne présentent pas le caractère oligarchique du Concert européen, signe l’institutionnalisation de pratiques de négociation multilatérale et favorise l’intégration de nouveaux acteurs étatiques non européens (États-Unis, Japon, Maroc, Égypte, etc.) dans la communauté internationale. L’on constate toutefois que la socialisation induite passe, en partie, par l’adoption de coutumes et rituels attachés au protocole européen. Le respect du protocole vestimentaire et des usages coutumiers marque le retour de la Russie bolchévique dans la communauté internationale en avril 1922 lors de la conférence de Gênes, décrite par Édouard Benès (1884-1948) comme « la première manifestation internationale de la communauté politique et économique de l’Europe ». À la tête de sa délégation, Georgi Tchitcherine, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères, se présente en redingote, gants jaunes et pantalons rayés, se met au piano lors de la soirée d’ouverture de la conférence, se rend à une réception chez le roi d’Italie et porte un toast avec un archevêque.

L’intensification des migrations interrégionales et transcontinentales, des échanges commerciaux et des investissements ont des conséquences sur la participation des acteurs privés à la représentation de l’État et à la négociation : le xixe siècle est marqué par l’accélération du processus de nationalisation de ces agents. Après la fin de l’ère des « consuls mercantiles » (Sir Godfrey Fisher) en 1649, la Couronne britannique reprend en mains en 1825 les établissements consulaires qui dépendent depuis 1592 de la Levant Company, puis, en 1833, la représentation consulaire en Perse aux dépens de l’East India Company (1600). Entre les années 1880 et 1914, les ambassades européennes commencent à intégrer des attachés commerciaux. Les États européens coordonnent de plus en plus leur expansion sur les marchés extérieurs et, à l’instar de la France, élaborent leurs stratégies au cœur d’un « triptyque finance-industrie-diplomatie » (Jacques Thobie). Les acteurs économiques continuent néanmoins à assumer des fonctions diplomatiques de collecte de l’information, de négociation officieuse, de promotion des intérêts économiques ou culturels, voire de représentation de l’État en des temps où les relations diplomatiques sont rompues ou inexistantes. Avant l’ouverture d’une ambassade de France en 1974, la Compagnie française des pétroles, ancêtre du groupe Total, tient ce rôle d’acteur diplomatique au Qatar et, plus largement, dans le golfe Persique. En Allemagne de l’Ouest, l’Ost-Ausschuss der Deutschen Wirtschaft, union d’entrepreneurs et d’associations patronales, fondée en 1952, développe des contacts avec les États communistes de l’Est européen et d’Asie avec lesquels la RFA n’entretient aucune relation politique officielle. C’est grâce à lui et à l’action conduite par son directeur depuis 1955, Otto Wolff von Amerongen, qu’est signé en 1957, le premier traité commercial avec la Chine populaire, quinze ans avant l’établissement des relations diplomatiques officielles. D’autres acteurs économiques expriment la singularité de la pratique de l’Europe en raison de l’essor du parlementarisme et des associations au xixe siècle. Chambres de commerce et d’industrie et groupes d’amitiés parlementaires sont autant d’enceintes favorisant le rapprochement international et soutenant, parfois à titre précurseur, l’expansion économique et financière des entreprises. La question qui se pose depuis les années 1980 est celle de l’émancipation des multinationales et des acteurs financiers par rapport aux États.

Au défi de la démocratisation des relations internationales

L’évolution des pratiques diplomatiques est parfois imposée par la violence, comme l’attestent les révolutions américaine, française et bolchevique qui entendent rompre, de manière radicale, avec les pratiques d’Ancien Régime. La promotion de la simplicité protocolaire, de la transparence de la négociation, du juge dans le règlement des conflits ou encore de l’intégration de l’acteur privé dans la sphère diplomatique porte la marque de la culture politique des États-Unis. En France la diplomatie révolutionnaire entend à partir de 1792 représenter la nation et non plus le monarque et prône à son tour simplicité et franchise. En Russie, la révolution d’octobre 1917 provoque une remise en cause radicale du concept classique de souveraineté étatique. Le décret du 3 juin 1918 abolit toutes les distinctions de classes comme contraires au principe de l’égalité des États et, par décret, du 26 mai 1921, les ambassadeurs cèdent la place à des « représentants plénipotentiaires ». Le Narkomindel (commissariat du peuple aux Affaires étrangères) rend publics les traités secrets de l’époque tsariste, manifestant à son tour la volonté de rompre avec la diplomatie secrète et de rendre compte à l’opinion publique de ses actions. Une dialectique subtile s’installe à la fin de la Première Guerre mondiale entre l’impératif d’efficacité et la préoccupation nouvelle de légitimité. Si la normalisation relative qui suit toute révolution se constate dans ces trois cas d’école, l’idéologie de la transparence imprime sa marque sur le pacte de la SDN dont l’article 8 impose l’enregistrement et la publication de tous les traités internationaux pour qu’ils soient rendus obligatoires.

Dans un xxe siècle marqué par un nouvel équilibre entre publicité relative des résultats et, pour l’essentiel, secret maintenu des processus de négociation, l’Union européenne (UE) entend incarner une rupture nouvelle. La déclaration no 17 attachée au traité de Maastricht souligne ainsi : « La transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions, ainsi que la confiance du public envers l’administration. » Les pressions d’un Parlement européen toujours plus présent comme celles de la société civile maintiennent l’exigence de transparence pour tenter de favoriser l’adhésion démocratique aux décisions de l’Union. Ainsi, devant les inquiétudes croissantes qui se manifestent lors de la préparation de la négociation de l’accord commercial entre l’UE et les États-Unis (Transatlantic Trade and Investment Partnership, TTIP) qui a débuté depuis juillet 2013, le Conseil de l’Union européenne rend public, le 9 octobre 2014, le mandat de négociation confié à la Commission européenne.

De fait, depuis la fin du xviiie siècle, les luttes politiques en Europe conduisent à la démocratisation des relations internationales, en raison de la constitutionnalisation progressive des régimes politiques. Parallèlement, l’essor du parlementarisme et l’adoption du suffrage universel pour les hommes en France (1848), en Espagne (1890), en Belgique (1894), en Italie (1912), et y compris pour les femmes avant la Première Guerre mondiale dans certains pays scandinaves (Finlande, 1906 ; Norvège, 1913), ont une incidence majeure sur l’élaboration et la discussion des politiques étrangères. Dans ce nouvel espace politique, les parlements nationaux, les partis politiques, les associations deviennent, avec la presse, des lieux où l’on s’exprime sur la politique étrangère de l’État. L’opinion s’y organise en autant de groupes de pression transnationaux qui imposent de nouveaux thèmes sur la table des négociations. La genèse de nombre de conventions internationales adoptées depuis le milieu du xixe siècle, voire des unions administratives et des organisations internationales alors apparues, est imputable à des initiatives privées, telle la naissance de l’Union internationale pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1886) ou celle de la Chambre de commerce internationale (1919). En 1945, l’article 71 de la Charte des Nations unies institutionnalise la participation limitée des organisations non gouvernementales au fonctionnement multilatéral de l’organisation. L’ONU confie à son Conseil économique et social (ECOSOC) la responsabilité de tenir, tout au long de l’année, des réunions régulières avec les ONG qui se voient reconnu un statut consultatif. L’Europe pousse néanmoins le plus loin la démarche : le Conseil de l’Europe est la seule organisation internationale qui associe directement les ONG au processus décisionnel. En 2003, la conférence des OING (organisations internationales non gouvernementales) devient une institution à part entière du Conseil de l’Europe et peut participer à la définition des politiques, des programmes et des actions. Réciproquement, l’UE veille à maintenir un dialogue transparent avec la société civile et, depuis 2011, un registre de transparence a été mis en place où les représentants de la société civile, divisés en six catégories, et qui veulent avoir accès aux bâtiments de la Commission et du Parlement, doivent s’inscrire.

Attachées à cette poussée démocratique, les émotions qui traversent les opinions publiques semblent aux antipodes de la rationalité attribuée aux processus diplomatiques. C’est oublier que l’Europe a fait de la négociation un art de la connaissance de l’Autre. Parmi tous les auteurs du xviiie siècle, celui qui a connu jusqu’à nos jours une faveur quasi continue en Europe, François de Callières, a porté très haut cette vision anthropologique du métier de négociateur. Dans son livre, De la manière de négocier avec les souverains (1716), il attire notamment l’attention sur la part d’irrationnel dans les relations diplomatiques, le rôle des « passions », des mouvements de l’âme et de l’intérêt. Si le contrôle de soi et la neutralité́ affective sont, en dernier ressort, les conseils prodigués au négociateur par Callières, ses prédécesseurs et ses émules, le diplomate européen a réfléchi, de manière précoce, à la manière de prendre en compte les mouvements affectifs transnationaux, à les canaliser ou à les instrumentaliser.

Au défi de l’intégration européenne

Les pratiques diplomatiques européennes ont enfin été transformées, depuis les années 1950, par la mutation de l’État-nation européen traditionnel en un État intégré. Il est devenu un État membre de l’Union européenne et exerce le pouvoir national de conserve avec les autres États. Négocier entre soi prend un sens nouveau et distinct de celui du Concert du xixe siècle. Après le rejet des plans Fouchet (1961, 1962), elle s’invente et s’affermit dans les années 1960 dans les premières négociations du GATT (General Agreement on Trade and Tariffs) et de la PAC (Politique agricole commune) visant à affirmer l’identité commerciale de la CEE. Faire naître une diplomatie européenne implique un consensus de fond sur les objectifs de la politique extérieure suivie et sur les outils destinés à la faire appliquer. Cela implique aussi, dès l’origine, que l’on renonce aux pratiques du Concert européen et que l’on accepte l’égalité des États entre eux, soit l’abolition de la hiérarchie entre grandes et petites puissances, si souvent réclamée depuis la fin du xixe siècle et jamais atteinte ; que l’on accepte le principe d’une négociation multilatérale sur la base de la construction d’un consensus et non d’une position de force ; que l’on modifie en amont les pratiques nationales en introduisant une négociation interministérielle préalable pour homogénéiser la position nationale ; que l’on accepte surtout une forme de dénationalisation du diplomate censé représenter l’Union et non plus un État donné.

La diversité des cultures administratives et diplomatiques nationales comme celle des horizons diplomatiques nationaux de l’Europe se révèle un véritable défi lors des premiers débats sur la Coopération politique européenne dans les années 1970. En se construisant, l’Union européenne déconstruit en partie mais restructure aussi des pratiques de travail ancestrales au sein des administrations nationales. Elle favorise l’émergence de pratiques nouvelles (interministérialité institutionnalisée). L’enjeu est d’apprendre à se coordonner en amont des négociations communes, à l’échelle nationale (mise en réseau des directeurs politiques – Comité politique – et des « collaborateurs européens » – COREU – des ministères des Affaires étrangères, puis de défendre ses intérêts par la représentation et la négociation à Bruxelles – Comité des représentants permanents, COREPER) avant que d’avancer de manière unie dans les négociations commerciales multilatérales, à l’ONU ou lors des grandes conférences internationales. À partir de 1994, l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à Vienne, est la grande organisation internationale pan-européenne au sein de laquelle s’affermissent des mécanismes de coordination intra-européens, expérimentés entre 1973 et 1975 lors de la toute première Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe d’Helsinki. La démultiplication et l’imbrication des échelles de la négociation représentent au début des années 2000 un défi pour les diplomaties nationales européennes auquel la création en 2010 d’un Service européen d’action extérieur se donne pour but de répondre.

Au-delà, l’Europe conserve, depuis un siècle, le privilège d’être le continent des capitales diplomatiques. Malgré l’installation d’institutions onusiennes aux États-Unis, en Afrique (Nairobi, quatrième office des Nations unies dans le monde depuis 1996), en Asie (Abu Dhabi, siège de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables depuis 2009, New Delhi, siège de l’Alliance solaire internationale, depuis 2017), elle concentre un nombre important de villes (Vienne, Paris, La Haye, Genève, Rome, Bruxelles, Helsinki, Oslo, Bonn) qui accueillent des négociations et des organisations internationales.

Elle est enfin un lieu continu d’expérimentation de pratiques diplomatiques décentralisées et en réseaux, notamment parce qu’elle abrite un certain nombre d’États fédéraux. Les villes hanséatiques (Lübeck, Hambourg et Brême) ont une représentation extérieure depuis des siècles. En Europe, l’action internationale des collectivités locales prend son essor avec la pratique des jumelages initiés, au sortir de la guerre, entre la France et l’Allemagne, dans le but d’une réconciliation entre ces deux pays mais cette diplomatie territoriale dépasse le cadre de la coopération décentralisée ou de la diplomatie locale. Les régions et communautés belges et les communautés autonomes espagnoles, les Länder allemands et autrichiens ainsi que les cantons suisses développent depuis 1945 une forme de paradiplomatie suivant des modalités différentes d’un pays à l’autre. Certaines ont le droit de négocier et ratifier de véritables traités avec des États souverains. Souvent la motivation économique est à la source de la définition de leur stratégie internationale. L’intégration européenne favorise l’affirmation des régions sur la scène internationale dans la mesure où elle concerne des secteurs qui relèvent souvent des compétences des États fédérés ou des États à structure décentralisée comme l’aménagement du territoire, la culture, les transports, l’environnement, etc. Au sein de l’UE, elles se voient reconnaître un rôle, aux côtés des États, pour ce qui a trait à la politique européenne en développant des coopérations interrégionales, transfrontalières, transnationales et macro-régionales. Elles interviennent dans plusieurs canaux de représentation des intérêts régionaux : le Comité des régions (qui succède en 1994 au Comité consultatif des autorités régionales et locales, créé six ans plus tôt), le Conseil des ministres, la Commission, les représentations régionales établies à Bruxelles à partir des années 1980 – les premières sont celles d’Hambourg du Land de Sarre, en 1985.

En ce début de xxie siècle les diplomates européens participent à de vastes réseaux mondiaux de partage d’expérience et de réflexion sur l’évolution des pratiques diplomatiques. L’Académie diplomatique de Vienne soutient la création en 1973 de l’International Forum on Diplomatic Training (IFDT), dans le but de favoriser des échanges de tous ordres entre les académies et les instituts diplomatiques qui se sont constitués de par le monde. L’institut Clingendael (Netherlands Institute of International Relations) naît en 1983, à la suite de la fusion de cinq instituts plus petits. Il existe un Institute for Cultural Diplomacy, créé en 1999. En novembre 2002, la fondation DiPLO est créée à l’initiative de la Mediterranean Academy of Diplomatic Studies, établie à Malte. Enfin, l’extension géographique de l’OSCE aux pays du Caucase et de l’Asie centrale comme les relations développées avec onze partenaires asiatiques et méditerranéens « pour la coopération », et les dialogues interrégionaux entretenus depuis une vingtaine d’années par l’Union européenne, ont favorisé la transmission intercontinentale et interculturelle réciproque d’expériences et de pratiques. Européanisation, occidentalisation, mondialisation des pratiques diplomatiques ? Les coutumes internationales restent à l’évidence marquées par les pratiques européennes.

Citer cet article

Laurence Badel , « Pratiques diplomatiques européennes et mondialisations contemporaines », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 23/06/20 , consulté le 02/12/2024. Permalien : https://ehne.fr/fr/node/14223

Bibliographie

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Badel, Laurence, Jeannesson, Stanislas, « Introduction, une histoire globale de la diplomatie », dans Diplomaties, numéro de Monde(s). Histoire, espaces, sociétés, mai 2014, no 5.

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Vidéos INA

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