Les organisations non gouvernementales (ONG) d’environnement constituent la partie émergée et formalisée des mobilisations environnementales. Elles varient grandement en moyens, dénomination légale, types d’activités, niveau d’intervention (local, national, international) et structure (par exemple, centralisée, fédérale ou hybride). La notion suggère une indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et de la sphère commerciale, assise en principe sur le soutien de membres (individuels). Ces frontières sont souvent ténues, car les ONG peuvent également accéder à des subventions publiques et/ou se livrer à des activités commerciales.
La notion s’est pourtant imposée car elle reflète l’importance grandissante prise depuis les années 1970 par des organisations endossant des causes collectives à la fois auprès des pouvoirs publics et dans les arènes internationales. Leur augmentation en nombre et en moyens a accompagné le périmètre croissant de l’action publique et d’accords multilatéraux dans le domaine de l’environnement.
Mobilisation et organisation
La science, le loisir et l’usage ont été des vecteurs essentiels d’une prise de conscience des dégradations de l’environnement lors du dernier tiers du xixe siècle et dans les années 1960.
Ces deux phases de mobilisation ont été facilitées par des organisations existantes et ont abouti à la création de nouvelles structures. Les sociétés savantes d’études de la nature, y compris locales, les associations de chasseurs, les structures naissantes de randonneurs ont attiré l’attention des pouvoirs publics sur les effets négatifs de la révolution industrielle et de la colonisation, aux États-Unis et en Europe. Certaines structures dépasseront leur objet premier pour défendre la protection d’espèces ou d’espaces (Société nationale de protection de la nature en France), d’autres seront créées à cette fin (Fauna & Flora international au Royaume-Uni). Ensemble, elles seront associées au mouvement de conservation de la nature.
Dans les années 1960, de nouvelles mobilisations utilisent des terminologies scientifiques (écologie et environnement) pour renouveler les perceptions des interactions entre société et nature. L’intérêt du public pour ces questions se traduit par un soutien populaire accru aux organisations de conservation. Il contribue également à la naissance de structures qui mettent en avant les origines sociopolitiques des problèmes d’environnement et leur impact sur la santé humaine. Ces dernières, dites écologistes, ne visent pas seulement des décisions publiques, mais le changement social et, donc, l’adhésion du plus grand nombre à de nouvelles valeurs. Témoins de l’impact des transformations sans précédent des systèmes de production et de consommation en cours, de nombreux groupes locaux, centrés sur nature ou l’environnement, apparaissent alors à travers toute l’Europe et conduisent à la création de fédérations nationales tels que BUND (Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland) et FNE (France nature environnement). La cause anti-nucléaire traversera ces deux univers à travers l’engagement de leurs militants, tandis que l’engagement ou non dans l’écologie électorale les divisera bien souvent.
Ces deux phases de mobilisation ont contribué à la création d’organisations devenues pérennes et professionnelles, dotées du soutien d’adhérents individuels et/ou de groupes locaux, employant des salariés. D’autres sont apparues depuis sur des enjeux spécifiques, tels que l’exploitation des fonds marins et les changements climatiques. Elles s’appuient sur la science, le droit, leurs supporters pour interagir avec les pouvoirs publics, les médias, voire le monde de l’entreprise. La différence entre les organisations de conservation et écologiste, respectivement, par exemple le World Wildlife Fund et Greenpeace, s’est atténuée avec le temps sur le plan des moyens d’action, du fonctionnement et des finalités. Elles ont diversifié, par exemple, leurs méthodes de collectes de fond, leurs activités d’information auprès du public ou de pression auprès des décideurs.
Les effets de l’institutionnalisation
Les effets de cette institutionnalisation, c’est-à-dire le surcroît d’organisation et de moyens qui a marqué ces mobilisations, a divisé activistes et universitaires. Les évaluations positives relient l’institutionnalisation à une capacité d’action accrue. Les ONG sont parvenues à faire exister des problèmes auprès de l’opinion et des décideurs, les articulant à des arguments scientifiques. Elles ont parfois œuvré pour des solutions concrètes, en l’absence de volonté ou de moyens d’action de l’État. Ainsi, en s’engageant dans des approches de certification avec des redistributeurs ou des exploitants de bois tropicaux. Finalement, les ONG servent de relais à des causes dans des arènes de décision et épaulent des mobilisations locales parfois évanescentes qui font émerger de nouvelles problématiques, comme l’exploitation du gaz de schiste. Les ONG ont vu leur légitimité à représenter citoyens et problèmes d’environnement reconnue par l’octroi de subventions publiques, d’un droit à la consultation et d’ester en justice. La convention d’Aarhus (1998), adoptée dans un contexte d’après-guerre froide en Europe, a consacré ces derniers deux principes au plan international.
Pour leurs détracteurs, le terme ONG est péjoratif. Il renvoie à des caractéristiques perçues comme problématiques et donc utilisées pour désigner des organisations qui marginalisent les bénévoles dans leur fonctionnement, adoptent des méthodes de management ou viennent de pays développés ou anglo-saxons. Le fait que la survie de la structure l’emporterait sur ses objectifs environnementaux est une critique ancienne. Endossée par des activistes, elle a contribué à renouveler la frange institutionnalisée du mouvement environnemental par la création de nouvelles structures (Sea Shepherd) et l’aménagement d’anciennes (Friends of the Earth International). Les ONG sont également mises en cause pour avoir accommodé la cause environnementale à la logique capitaliste, contribuant à renforcer celle-ci. Cette critique est cependant à mettre en perspective à travers l’examen de contextes locaux et des opportunités stratégiques offertes aux défenseurs de l’environnement, souvent minoritaires dans les arbitrages publics.
Le débat sur les objectifs et les modes action est à la fois ancien et salutaire au sein des mobilisations environnementales. Il a conduit à des aménagements, des scissions et des créations de structures. La capacité des ONG à définir leur propre agenda et à revendiquer les résultats positifs de leur action est un défi constant. Depuis le milieu des années 2000, syndicats ou ONG de développement rejoignent une mouvance environnementale toujours diversifiée, à l’image des changements politiques et sociaux nécessaires face à l’urgence environnementale.
Berny, Nathalie, Rootes, Christopher, « Environmental NGOs at a crossroads ? », Environmental Politics, 27(6), 2018, p. 947-972.
Guha, Ramachandra, Environmentalism : A Global History, Menlo Park, Longman, 1999.
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