Cette photographie d’une jeune indienne métisse, fut transposée sur plaque de verre en 1885 par Molténi à la demande de George Demanche, en vue d’une conférence à la Société de Géographie prononcée le 5 février 1886 (Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XGA-9). C’est de cette manière qu’elle s’est retrouvée par la suite proposée au catalogue de Radiguet et Massiot. Si elle semble destinée à être utilisée en tant que type ethnographique, le propos de George Demanche est tout autre. Auteur en 1890 de Au Canada et chez les peaux-rouges, le directeur de la Revue Française était particulièrement intéressé par les questions portant sur l’immigration au Canada ; d’où ce choix d’une indienne métisse, posant devant un décor peint et reconstitué, ce qui laisse penser que le cliché fut réalisé dans un atelier photographique professionnel. La jeune femme est présentée également comme le fruit d’un métissage culturel, arborant la tenue des citadines à la mode, mais élevant son enfant, au premier plan, dans les respects des mœurs et des coutumes indiennes. L’enfant est placé dans un berceau portatif, dans lequel il est maintenant par des liens.
Si le travail esthétique est certainement remarquable dans cette photographie, le discours qui en découle peut paraître aujourd’hui bien plus sombre. Cette image fut utilisée par Demanche pour prouver à son auditoire combien l’immigration et le métissage était dangereux au Canada, en particulier pour « la race blanche », ainsi que le rapporte le Bulletin de la Société de Géographie de Québec de 1914. Il s’agissait en effet de la part de l’auteur d’une inquiétude récurrente :
M. George Demanche, directeur de la Revue Française, se demande, dans un récent article, si l’immigration, qui fait la fortune du Canada, n’offre point de dangers au point de vue de la formation de la nation canadienne par suite du mélange des races et de l’afflux de la population primitive.
M. Demanche note ici que depuis un certain nombre d’années, les États-Unis font tous les efforts pour endiguer le courant migrateur et le sélectionner. Le Canada, ajoute-t-il, ne suit pas cet exemple, et son gouvernement, s’il fait quelques restrictions à l’entrée de certains émigrants, pousse à l’immigration plutôt qu’il ne la modère. Il y a là un péril pour les deux races, françaises et anglaise, qui ont donné les habitants d’origine, danger qui résulte du nombre des immigrants n’appartenant à aucune de ces deux races et de la moindre facilité de leur absorption qu’aux États-Unis. » (Bulletin de la Société de Géographie de Québec, vol. 8, n° 1, Janv-Fév. 1914, p. 116-117)
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Femme métis avec son enfant
non identifié