Mémoires et histoire de la guerre d’Algérie

Résumé

Optionnelle dans les programmes d’histoire de terminale de 2012, la question des mémoires de la guerre d’Algérie devient obligatoire dans ceux de 2019 avec une double entrée possible pour les élèves : elle est présente dans le tronc commun (point de passage et ouverture « La guerre d’Algérie et ses mémoires ») et en spécialité HGGSP (jalon « Mémoires et histoire d’un conflit : la guerre d’Algérie »). Si l’on admet commodément une histoire de ces mémoires divisée en périodes d’oubli, puis de remémoration prenant ensuite la forme d’une « guerre de mémoires », une autre périodisation s’impose en distinguant la chronologie des mémoires des acteurs du conflit et des productions culturelles d’une part, de celle de son évolution historiographique d’autre part, et enfin de celle des politiques mémorielles nationales initiées à partir de 2000.

Mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, Quai Branly à Paris. © ecpad.
Mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, Quai Branly à Paris. © ecpad. Source : ONACVG.
Le président Emmanuel Macron remet une lettre à la veuve de Maurice Audin, dans laquelle il reconnaît la responsabilité des autorités françaises dans la mort de son époux, 13 septembre 2018. © François Demerliac pour
Le président Emmanuel Macron remet une lettre à la veuve de Maurice Audin, dans laquelle il reconnaît la responsabilité des autorités françaises dans la mort de son époux, 13 septembre 2018. © François Demerliac pour Le Monde.

Quelles périodisations pour quelle(s) mémoire(s) ?

L’histoire des mémoires de la guerre d’Algérie est communément divisée en deux périodes : une période d’oubli jusqu’aux années 1980 à laquelle succèderait une période de remémoration prenant la forme d’une « guerre de mémoires » dans les années 2000. Si cette chronologie semble plus simple à enseigner, elle pose cependant problème car elle vient à confondre le silence officiel de l’État avec les mémoires entretenues par des populations qui sont loin d’avoir oublié le conflit après 1962. Par ailleurs, l’expression « guerre de mémoires » utilisée par certains historiens et relayée par les médias depuis les années 2000 paraît inappropriée. Il s’agit de faire comprendre aux élèves des conflits de mémoires postérieurs à une guerre mais qui ne peuvent être associés eux-mêmes à une guerre, même employée de manière métaphorique, qui relève d’un affrontement violent entre des groupes antagoniques.

Plutôt qu’une périodisation oubli/mémoire/guerre de mémoires, il semble plus approprié d’évoquer différents temps mémoriels qui voient ce passé mis en récit par des acteurs pour des enjeux dans des arènes publiques qui ont évolué depuis 60 ans. Toute périodisation entraînant une réduction simplificatrice, on proposera par souci pédagogique trois séquences chronologiques qui se chevauchent. Les années 1960-1970 se caractérisent par une abondante production culturelle, le cinéma et la littérature notamment, qui mettent en récit de nombreux aspects de la guerre tandis que la mémoire devient un élément central de la construction d’identités sociales pour des individus qui se constituent en groupes (anciens combattants, harkis, pieds-noirs), et prend différentes formes (associations, mobilisations, pratiques culturelles). Les années 1980-1990 voient la guerre entrer progressivement sur la scène médiatique comme une question publique à travers des débats et controverses autour de l’oubli, du silence, de l’occultation de cette « guerre sans nom » (Bertrand Tavernier). Les violences coloniales commises par la France intègrent le répertoire des mobilisations antiracistes portées désormais également par la seconde génération issue de l’immigration algérienne (Marche de 1983 pour l'égalité), en plus des mobilisations anticolonialistes traditionnelles (MRAP, LDH), dans un contexte d'une politisation des enjeux mémoriels avec la montée du Front national. Des groupes structurés défendent les intérêts mémoriels de chaque communauté d’expérience (appelés, harkis, rapatriés, anticolonialistes) et portent leurs revendications auprès de l’État pour la reconnaissance officielle de leur récit historique. Les années 2000-2010 sont d’abord marquées par la mise en récit de la guerre par l’État à travers des politiques nationales (création de trois journées commémoratives, lois, discours officiels, lieux de mémoire) qui s’adressent à différents groupes mémoriels définis par un horizon de reconnaissance/réparation/réconciliation. Ces politiques sont accompagnées d’intenses controverses publiques (débats sur la reconnaissance de la torture en 2000-2001, loi du 23 février 2005 et son article 4 sur l’enseignement du rôle positif de la présence française en Afrique du Nord). Les productions culturelles connaissent un succès d’audience croissant (littérature, cinéma, bande dessinée), se diversifient fortement et sont principalement le fait de la seconde génération née pendant ou après la guerre.

Enfin, si la mémoire de la guerre d’Algérie peut être définie comme un ensemble de représentations individuelles/collectives, de productions narratives et d’actions sur ce passé, cet ensemble est si disparate – et parfois si contradictoire – que les historiens ont pris habitude d’évoquer les mémoires de la guerre d’Algérie. Ce pluriel doit également s'appliquer aux groupes mémoriels qui ne présentent pas non plus une mémoire homogène. Il n’existe pas une mémoire des harkis, des pieds-noirs, des anciens combattants, des membres de l’OAS, des anticolonialistes français, des indépendantistes algériens. Si des associations sont créées pour défendre leurs intérêts avec la prétention de représenter la mémoire de leur communauté, il est nécessaire de prendre en compte la diversité – voire les conflits – au sein même de ces associations. Il convient en effet d’opérer une distinction entre le discours des militants associatifs qui ambitionnent de représenter et de défendre la mémoire de leur groupe et des mémoires individuelles qui peuvent aussi entrer en dissonance avec le discours de ces porte-paroles. Cette distinction est d’autant plus nécessaire que l’État français construit depuis les années 2000 un projet national de réconciliation des mémoires avec l’appui de différents représentants de groupes mémoriels présentés comme des entités homogènes.

Évolution de l’historiographie en langue française

Les contemporains et acteurs de la guerre d’Algérie sont les premiers à documenter le conflit. La torture et des exactions de l’armée sont dénoncés par Henri Alleg qui publie La question en 1958, avant d’être censuré, et par Pierre Vidal-Naquet qui fait paraître L’affaire Audin en 1958 puis La raison d’État en avril 1962. D’autres témoignages sur le système répressif sont rassemblés (Patrick Kessel et Giovanni Pirelli, Le peuple algérien et la guerre, 1962) et parfois censurés (La gangrène de Khider Seghir, 1958 ; Le désert à l’aube du soldat Noël Favrelière, 1960). Après 1962, la guerre est d’abord racontée par d’anciens officiers pour défendre l’armée française. C’est le cas du capitaine Philippe Tripier qui écrit Autopsie de la guerre d’Algérie (1972) et du général Massu qui publie La vraie bataille d’Alger (1971), ouvrage auquel répond Pierre Vidal-Naquet en 1972 avec la traduction en français de son livre La torture dans la République paru d’abord en anglais en 1963. De son côté, le journaliste Yves Courrière rédige une première synthèse en 4 tomes, La guerre d’Algérie, entre 1968 et 1971.

Les premiers travaux universitaires sont publiés à la fin des années 1970. Ils sont, pour la plupart, encouragés par Charles-Robert Ageron, spécialiste d’histoire coloniale, qui dirige le Groupe d’études et de recherches maghrébines (GERM), et coordonne le « Groupe d’histoire de la colonisation et de la décolonisation » au sein du tout nouvel Institut d’histoire du temps présent (IHTP-CNRS) créé en 1978. Ces premières recherches intègrent la guerre d’Algérie dans une chronologie plus large traitant de la période coloniale de l’Algérie. Sous la direction de Charles-Robert Ageron, Benjamin Stora soutient sa thèse en 1978 sur Messali Hadj, fondateur du Mouvement national algérien, et Guy Pervillé en 1980 sur les étudiants algériens de l’université française (1908-1962). La plupart des travaux se concentrent alors sur l’histoire du nationalisme algérien inaugurés par André Nouschi (La naissance du nationalisme algérien 1914-1954, 1962), Mohamed Harbi (Aux origines du FLN : le populisme révolutionnaire en Algérie, 1975) et prolongés par Gilbert Meynier et René Gallissot (Maghreb-Algérie, classe et nation, 1985).

Alors que cette guerre fait son entrée dans les programmes scolaires de terminale en 1983, l’IHTP organise deux colloques scientifiques en 1988 qui consacrent la guerre d’Algérie comme objet d’étude à part entière : « Les chrétiens et la guerre d’Algérie » (dir. François Bédarida et Étienne Fouilloux), et « La guerre d’Algérie et les intellectuels français » (dir. Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli). La guerre n’est plus seulement envisagée comme l’aboutissement du nationalisme algérien mais comme une page dramatique de l’histoire française et devient un enjeu mémoriel national sous la plume de Benjamin Stora dans La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie (1991). La même année, Jean-Luc Einaudi documente le massacre occulté du 17 octobre 1961 dans La bataille de Paris.

L’ouverture en 1992 des archives publiques sur la guerre d’Algérie donne un nouvel élan aux recherches historiques. L’exploitation des archives militaires et judiciaires permet d’étudier le système répressif français avec les thèses de Sylvie Thénault (Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, 2001) et de Raphaëlle Branche (La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 2001).

À partir des années 2000, plusieurs études documentent les événements violents en métropole (Alain Dewerpe, Charonne. 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État, 2006 ; Jim House et Neil Mac Master, Paris 1961. Les Algériens, la terreur d’État et la mémoire, 2008), ou en Algérie (Jean-Pierre Peyroulou, Guelma, 1945. Une subversion française dans l’Algérie coloniale, 2009), (Raphaëlle Branche, L’embuscade de Palestro. Algérie 1956, 2010 ; Claire Mauss-Copeaux, Algérie, 20 août 1955. Insurrection, répression, massacres, 2011). Les archives militaires permettent également d’éclairer les expériences sociales et politiques des soldats avec les travaux de Jean-Charles Jauffret (Soldats en Algérie 1954-1962 : expériences contrastées des hommes du contingent, 2000), et de Tramor Quemeneur en 2008 (Une guerre sans « non » : insoumissions, refus d’obéissance et désertions de soldats français pendant la guerre d’Algérie) jusqu’aux travaux récents sur les relations d’autorité analysées par Marius Loris Rodionoff (Crises et reconfigurations de la relation d'autorité dans l'armée française au défi de la guerre d'Algérie (1954-1966), 2018 ») ou sur la doctrine de la guerre révolutionnaire dans l’armée française étudiée par Denis Leroux (Une armée révolutionnaire : la guerre d’Algérie du 5e bureau, 2018).

Dans le prolongement d’une histoire politique de la guerre, on observe également un approfondissement des études sur le nationalisme algérien en Algérie avec la thèse de Malika Rahal en 2009 sur l’Union démocratique du Manifeste algérien, mais également en France avec celle de Linda Amiri (2013) sur la Fédération de France du FLN, complétée par le travail d’Ali Haroun, La 7e Wilaya. La guerre du FLN en France 1954-1962 (2012).

Dans les mêmes années, les études consacrées à l’Algérie coloniale inscrivent la guerre dans la durée de la colonisation française. Cette évolution est illustrée par deux travaux qui investiguent le cinéma (Sébastien Denis, Le cinéma et la guerre d’Algérie : la propagande à l’écran 1945-1962, 2009) et les pratiques policières en région parisienne étudiées dans sa thèse par Emmanuel Blanchard (« Encadrer des “citoyens diminuésˮ. La police des Algériens en région parisienne, 1944-1962 », 2008). D’autres travaux s’intéressent cette fois à la fin de la guerre et ses effets immédiats : Olivier Dard, Voyage au cœur de l’OAS (2005) ; Todd Shepard, 1962 : comment l’indépendance algérienne a transformé la France (2008) ; ou du côté algérien, la thèse d’Amar Mohand-Amer (2010) sur la crise du FLN et les affrontements internes de l’été 1962.

Depuis les années 2000, plusieurs travaux proposent une histoire sociale de la guerre d’Algérie. Cette histoire sociale est ouverte à l’histoire de l’immigration avec les thèses de Laure Pitti, « Ouvriers algériens à Renault-Billancourt, de la guerre d’Algérie aux grèves d’OS des années 1970 » (2002) ; Abderahmen Moumen, « Rapatriés, pieds-noirs et harkis dans la vallée du Bas-Rhône : des défis de l’installation aux recherches identitaires, des années 1950 à nos jours » (2006) ; et Bérenger Bonneau, Les Harkis de la Somme : de 1954 à nos jours, un retour de guerre (2007) ; ou Marc André, Femmes dévoilées : des Algériennes en France à l’heure de la décolonisation (2016). Plus récemment, la thèse de Fabien Sacriste (« Les camps de regroupement en Algérie. Une histoire des déplacements forcés », 2022) analyse les bouleversements de la société rurale à la suite des déplacements forcés de plus de deux millions d’Algériens. Dans la même perspective d’histoire sociale, l’ouvrage de Malika Rahal s’intéresse à l’année 1962 (Algérie 1962, une histoire populaire, 2022) et celui de Sylvie Thénault aux violences racistes de décembre 1956 à Alger (Les ratonnades d’Alger, 1956. Une histoire de racisme colonial, 2022).

Le renouvellement historiographique s’effectue également par la prise en compte de la dimension internationale du conflit. Les études pionnières sur la politique d’internationalisation du conflit menée par le FLN/GPRA (Matthew Connelly, L’arme secrète du FLN. Comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie, 2011 [2002]) ont été suivies par celles analysant la position de différents États ou de leurs populations : par exemple Jean-Paul Cahn et Klaus-Jürgen Müller, La RFA et la guerre d’Algérie, 1954-1962, 2003.

Enfin, l’un des apports les plus marquants de ces vingt dernières années concerne l’étude de cette guerre dans ses effets et présences à long terme, ouvrant la recherche à d’autres disciplines et mobilisant en particulier des sources orales. Ce domaine de recherche est surtout dominé par une analyse des groupes mémoriels en y intégrant parfois les descendants. Les appelés ont fait l’objet d’une enquête orale réalisée au début des années 1990 par Claire Mauss-Copeaux qui a analysé les interactions entre mémoires individuelles et collective de la guerre (Les appelés en Algérie. La parole confisquée, 1999). La question de la transmission familiale de leurs expériences a été étudiée par Raphaëlle Branche (« Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? ». Enquête sur un silence familial, 2020). Parmi les nombreux travaux sur les pieds-noirs, la sociologue Clarisse Buono a abordé la reconstruction identitaire des descendants (Pieds-noirs de père en fils, 2004), et Yann Scioldo-Zürcher a consacré sa thèse aux parcours sociaux et professionnels de 10 500 rapatriés, ainsi qu’à leurs représentations de la guerre (Devenir métropolitain : politique d’intégration et parcours de rapatriés d’Algérie en métropole, 1954-2005, 2010). Sur les harkis, outre les travaux déjà cités, une synthèse a été proposée par Tom Charbit (Les Harkis, 2006) et François-Xavier Hautreux (La guerre d'Algérie des Harkis. 1954-1962, 2013). À partir d’entretiens et de sources écrites, Martin Evans a investigué les mémoires de militants indépendantistes en France (Mémoires de la guerre d’Algérie, 2007).

Certains travaux ont été menés dans une perspective comparatiste : Giulia Fabbiano, Hériter 1962. Harkis et immigrés algériens à l’épreuve des appartenances nationales (2016) ; Claire Eldridge, From Empire to Exile : History and Memory within the Pied-Noir and Harki Communities, 1962-2012 (2016). D’autres groupes sont désormais étudiés dans leur rapport à la guerre (Paul Max Morin, Les jeunes et la guerre d’Algérie : une nouvelle génération face à son histoire, 2022). On trouve également des recherches sur les vecteurs mémoriels en France (Béatrice Fleury, La mémoire télévisuelle de la guerre d’Algérie 1962-1992, 2001) et en Algérie (Emmanuel Alcaraz, Les lieux de mémoire de la guerre d’indépendance algérienne, 2017). La dimension pathologique des effets de la guerre a fait l’objet d’une étude générale (Louis Crocq, Les traumatismes psychiques de guerre, 1999). Enfin, l’investissement littéraire dont la guerre d’Algérie a fait l’objet a entraîné de nombreuses recherches en littérature (voir en particulier les travaux d’Anne Roche, Catherine Brun, Catherine Milkovitch-Rioux et, pour la littérature jeunesse, d’Anne Schneider).

L’État français et la mémoire de la guerre d’Algérie

Dans une perspective de réconciliation nationale fondée alors sur une politique traditionnelle d'oubli-amnistie, l’État français s’engage, à partir des années 1960, dans une longue série de lois et décrets amnistiant différents acteurs de la guerre. Ces amnisties concernent les combattants algériens emprisonnés (mars 1962), les militaires auteurs de « faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne » (mars 1962), des militaires putschistes (1966, 1982), des membres de l’OAS (1968), et des déserteurs, porteurs de valise, et insoumis (1964, 1966). Ces amnisties, en annulant d’emblée la possibilité de procès judiciaires, ont contribué au silence public entourant les violences commises pendant la guerre d’Algérie.

En dehors d’un hommage du président Valéry Giscard d’Estaing au « soldat inconnu d’Afrique du Nord » en 1977 à Notre-Dame-de-Lorette, l’État français ne commémore pas la guerre d’Algérie pendant près de trente ans. La loi de 1999 reconnaissant la « guerre d’Algérie » en lieu et place des « opérations de maintien de l’ordre » marque le point de départ d’une politique mémorielle de l’État qui est amené à composer avec des acteurs déjà bien structurés en différents groupes d’intérêt revendiquant la reconnaissance de préjudices et d’une narration historique qui leur est propre. Les uns après les autres, différents groupes sont l’objet d’hommages nationaux en tant que victimes de ce passé : les soldats morts ou blessés avec le Mémorial du quai Branly inauguré le 5 décembre 2002, date qui deviendra une journée nationale de commémoration par décret du 26 septembre 2003 ; les harkis victimes de l’abandon de la France à qui l’État rend hommage par une journée nationale de commémoration le 25 septembre, initié par Jacques Chirac en 2001 avant d’être institué par décret le 31 mars 2003 ; les rapatriés victimes de massacres (rue d’Isly, Oran) puis de l’exil en France pour qui le gouvernement vote une loi le 23 février 2005 manifestant la reconnaissance de leur contribution à la nation. En mars 2010, l’État élargit l’hommage aux victimes en ajoutant sur les colonnes du Mémorial les noms des pieds-noirs tués par les forces françaises rue d’Isly le 26 mars 1962.

C’est aussi le sens donné à la commémoration nationale du 19 mars en hommage à toutes les victimes, civiles et militaires, instaurée par une loi votée en décembre 2012 par une majorité de gauche. Certains anciens combattants – et surtout rapatriés et harkis – continuent de s’opposer à cette date commémorative considérant qu’elle nie les violences commises après le 19 mars 1962. Malgré ces obstacles, la réconciliation des mémoires reste le principal objectif des initiatives publiques en France. En 2015, un plan d’action est initié par l’Office nationale des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) avec l’Éducation nationale qui aboutit à la création d’une exposition pour les élèves et, en parallèle, à un dispositif inédit d’interventions en classe de quatre témoins (harki, appelé, FLN, rapatrié) à partir de 2016.

Ces politiques mémorielles s’intensifient sous le mandat d’Emmanuel Macron. La reconnaissance, en septembre 2018, des circonstances de la mort de Maurice Audin est accompagnée dans une déclaration écrite de la reconnaissance du système « arrestation-détention » institué légalement par l’État. À l’appui d’un rapport remis par l’historien Benjamin Stora en janvier 2021, de nouvelles initiatives publiques sont annoncées par Emmanuel Macron avec l’intention de réconcilier les mémoires : communiqué en mars 2021 sur l’assassinat de l’indépendantiste algérien Ali Boumendjel par l’armée ; demande de pardon aux harkis dans son discours du 20 septembre 2021 accompagné d’un projet de loi déposé un mois plus tard au Parlement pour reconnaître les préjudices subis ; hommage aux victimes algériennes de la répression du 17 octobre 1961 le 16 octobre 2021 à Suresnes, en pointant la responsabilité du préfet Maurice Papon ; discours du 26 janvier 2022 devant des représentants de rapatriés pour désigner le massacre de la rue d’Isly à Alger (26 mars 1962) comme « impardonnable pour la République » ; ouverture de certaines archives ; projet d’un musée national de l’histoire de la France et de l’Algérie à Montpellier.

Bibliographie

Branche, Raphaëlle, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Paris, Seuil, 2005.

Brun, Catherine, Ledoux, Sébastien, Mesnard Philippe (dir.), « Quelle(s) mémoire(s) pour la guerre d’indépendance algérienne 60 ans après ? », Mémoires en jeu, n° 15-16, hiver 2022.

Thénault, Sylvie, « La guerre d’indépendance algérienne. Mémoires françaises », Historiens et géographes, n° 425, février 2014, p. 75-90.


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