La formation à distance (FAD) désigne tout type de formation dans laquelle l’essentiel de la transmission des connaissances et d’apprentissage est situé en dehors de la relation face à face entre enseignant et enseignés, impliquant a priori une dissociation de ces activités dans le temps et l’espace. Recouvrant une grande diversité de dispositifs, elle concerne tous les contenus et niveaux d’enseignement. Si le public visé comporte des élèves en formation initiale ne pouvant se rendre dans des établissements d’enseignement ou nécessitant un soutien scolaire, il est constitué en grande majorité d’adultes éloignés des lieux de formation ou empêchés d’y aller par leur situation professionnelle ou familiale.
La FAD a évolué au cours des décennies avec l’apparition de nouveaux médias et technologies. Bien qu’une entrée par les technologies ne suffise pas à résumer l’histoire de la FAD en Europe durant les xixe et xxe siècles, elle met en évidence trois périodes successives : le temps des cours par correspondance (1850-1960), la prédominance de l’audiovisuel (1961-1980), l’hégémonie de l’informatique (1981-2000). Une quatrième période, qui ne sera qu’évoquée, marque le xxie siècle, celle de la suprématie des formations en ligne (2001 à nos jours).
Le temps des cours par correspondance (1850-1960)
C’est au milieu du xixe siècle, avec la création du timbre-poste, que naissent les premiers cours par correspondance, en Grande-Bretagne, où Isaac Pitman commercialise des cours de sténographie, puis en Allemagne. Adoptés dans des pays vastes et mal desservis par les moyens de transport (Australie, Afrique du Sud, États-Unis, etc.), ils continuent parallèlement à se développer en Europe de l’Ouest dans la seconde moitié du xixe siècle et au début du xxe siècle, assurés par le secteur privé et plutôt orientés sur des formations professionnelles : en Allemagne dès 1856 (institut Toussaint et Langenseherdt), en Suède (maison Hermods, fondée en 1898) ou en France à partir des années 1870 (école Pigier, cours Hattemer, École universelle).
Dès 1938, grâce à une subvention du gouvernement norvégien, est créé l’ICDE (Conseil international pour l’éducation ouverte et à distance) qui rassemble des adhérents issus de plusieurs pays européens. Lors de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, les autorités françaises décident la création, notamment pour les enfants déplacés par l’exode, puis pour les soldats français prisonniers en Allemagne, d’un service public d’enseignement par correspondance, devenu le Cned (Centre national d’enseignement à distance), principalement centré sur les formations générales.
Alors que les formations à distance s’appuient principalement sur des échanges de documents écrits entre formateurs et formés, leurs pratiques pédagogiques, leurs idéologies et leurs supports vont évoluer de pair avec les profondes évolutions des sociétés européennes sur les plans socio-économiques, éducatifs et technologiques.
La prédominance de l’audiovisuel (1961-1980)
Avec la multiplication des transistors et des téléviseurs, de nombreux programmes éducatifs de radio et surtout de télévision se développent en Grande-Bretagne (BBC Further Education), en France (RTS/Promotion), en Allemagne (Telekolleg), aux Pays-Bas (Teleac) ou en Italie (émissions de la RAI). Au début des années 1970, se créent des universités publiques entièrement à distance qui recourent également à l’audiovisuel (Open University britannique, FernUniversität allemande, Open Universiteit hollandaise). Selon les pays, l’enseignement supérieur à distance est tantôt assuré par des universités spécialisées, comme celles ci-dessus, tantôt par des établissements traditionnels proposant quelques programmes à distance (France, Scandinavie, etc.). Dans le même temps, le secteur de l’édition privée mise sur la production de documents audiovisuels et de mallettes multi-médias, ensemble de supports (imprimés, cassettes son, diapositives, films, etc.) destinés à être mis en œuvre de manière combinée, tant en présentiel qu’à distance.
Succédant aux cours par correspondance, l’expression « enseignement à distance » atteste de l’adoption de nouveaux médias, mais « enseignement » ne se référant qu’à l’émetteur, elle commence à faire place à celle de formation à distance dans laquelle la notion de formation « recouvre sémantiquement les concepts de l’enseignement à distance et de l’apprentissage à distance » (France Henri).
L’hégémonie de l’informatique (1981 à 2000)
Alors que la micro-informatique pénètre rapidement les sociétés occidentales, la concurrence entre les chaînes transforme le paysage audiovisuel et exclut les émissions éducatives peu porteuses d’audience. Avec une relative standardisation des normes et l’EAO (Enseignement assisté par ordinateur), l’ordinateur s’affirme comme moyen d’auto-apprentissage et d’auto-évaluation. Si l’audiovisuel continue de jouer un rôle parmi les ressources pédagogiques mises à disposition des apprenants, c’est désormais sur les écrans informatiques qu’il est diffusé grâce à des disques optiques (CD, DVD), supports d’enregistrements sonores et de vidéos.
La formule « formation ouverte et à distance » émerge ; dans les pays anglo-saxons, elle met l’accent sur l’absence de conditions préalables lors de l’inscription tandis que, au niveau européen, elle insiste sur la flexibilité du dispositif dans son organisation spatiale et temporelle. Cette période voit également l’essor des « formations hybrides » qui conjuguent séquences à distance et séquences en présence sur un lieu de formation, notamment utiles pour les apprenants qui ne possèdent pas les compétences d’autoformation qu’exige la FAD. Le succès grandissant de l’anglais « e-learning » sera bientôt devancé, avec l’intensification des usages éducatifs d’Internet, par « formations en ligne ». De nombreux opérateurs s’organisent au sein d’associations internationales telles que l’EADTU (Association européenne des universités d’enseignement à distance), fondée en 1987, qui lancera en 2012 un portail (le Distance Learning Portal) donnant accès aux sites de ses adhérents.
L’utilisation de l’informatique engendre dans les années 1980 les mêmes attentes en matière de démocratisation de la formation que l’audiovisuel dans les années 1960, attentes confortées par le recours à Internet dans les premières décennies du xxie siècle. Si ce dernier véhicule autant d’enjeux industriels que les supports qui l’ont précédé, il ne révolutionne pas davantage la pédagogie, malgré les discours euphoriques de ses promoteurs. Il transforme néanmoins la nature des communications à distance, favorisant les échanges entre enseignants et apprenants, potentiellement même rendus synchrones, et les travaux collaboratifs, et contribuant ainsi à forger un sentiment d’appartenance à une communauté éducative qui, source de mobilisation renforcée des apprenants, n’était guère aisé à faire naître jusqu’alors.
Marginale à ses débuts, et jugée comme un « pis-aller » par rapport aux méthodes classiques, la FAD, qu’elle soit choisie par obligation professionnelle ou familiale, ou parce qu’elle permet de toucher simultanément davantage d’individus en réduisant les coûts de personnels et de locaux, ou encore parce qu’elle échappe au modèle « scolaire » parfois synonyme d’échec, se présente donc dorénavant comme susceptible de répondre à une large diversité de situations de formation. Des dispositifs de FAD existent actuellement dans presque tous les pays européens, comptant au total quelque trois millions d’inscrits, nombre qui varie de quelques dizaines à plusieurs milliers selon les pays.
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